23 nov. 2013

GABON : LE CONSEIL D'ETAT : PRESTIGIEUSE INSTITUTION RÉPUBLICAINE OU INSTITUTION D'OPERETTE ?

Cet écrit est à base d’un questionnement. Depuis plusieurs mois, les nombreux compatriotes qui ont des affaires pendantes au Conseil d’Etat, cherchent en vain à rencontrer ses responsables et agents, pour le suivi de leur plainte.  Les femmes, les hommes et les bureaux de l’institution qui doit rendre compte aux administrés de la suite réservée aux contentieux qui les opposent à l’Administration sont introuvables dans la ville. Aux affaires vieilles de près de 10 ans, voire davantage, s’ajoutent celles qui sont en traitement. Il est urgent de liquider la masse de dossiers en souffrance.  

Le Conseil d’Etat occupe une place relativement honorable parmi les Institutions républicaines du Gabon. Dans l’examen et la conduite des conflits qui opposent l’Etat employeur, ses agents et le reste des administrés, cette Administration s’appuie sur le droit pour rendre la justice. Malgré cela, comme la quasi-totalité des institutions du pays, le Conseil reste largement dominé par le joug de la puissance du Pouvoir Exécutif ; et il donne, par moments, l’impression d’agir sous sa dictée. 

Au Gabon, rares sont les administrations qui fonctionnement sur des bases saines. Elles sont toujours en retard et hors délais en ce qui concerne le traitement des cas sociaux et des situations urgentes et vitales pour la sécurité alimentaire et l’intégrité morale des personnes physiques. Le laxisme et la paresse des agents publics sont connus de tous les administrés qui un jour ont sollicité les services de l’Etat ; soit pour obtenir un rendez-vous, pour authentifier un document ou pour valider des faits. L’administration gabonaise est trop lente du sommet à la base ; sa réforme doit sortir des discours politiques pour entrer dans les faits. Il faut aussi souligner les cas d’inattention, voire d’incompétence des responsables administratifs. 

Dans nombre de cas, suite aux mauvais traitements techniques des  dossiers  professionnels, les responsables administratifs poussent les agents ou fonctionnaires à ester en justice contre l’Etat employeur. C’est à ces moments que l’Etat prend une forme objective, humaine et concrète en devenant une cible vulnérable et facile. Les administrations africaines qui rendent les arbitrages ou prennent les décisions de justice dans lesquels l’Etat est impliqué ou pas, ne parviendront jamais à être impartiales, indépendantes, crédibles et prestigieuses ; en particulier quand l’Etat est fautif et condamné. 

Pour des fautes minimes, et à cause de la négligence de ses agents, l’Etat dilapide de colossales sommes d’argent. Le fonctionnaire qui s’adresse à une administration de justice, généralement le Conseil d’Etat, pour demander réparation d’un préjudice qu’il a subi, attend pendant des années l’application de la sanction infligée à l’Etat. Le Conseil est depuis quelques mois invisible et introuvable dans la ville. 

Longtemps logés à la Cité de la Démocratie, plus personne ne sait où sont les nouveaux locaux du Conseil et, ces derniers ont-ils suffisamment de places pour abriter tous les conseillers ? Combien de membres du Conseil sont aujourd’hui actifs ? Combien de dossiers sont en attente de finalisation ? Bien des fois en cas d’aboutissement tardif d’une requête déclarée recevable par un avis du Conseil, ou d’inexécution d’une décision d’indemnisation en faveur d’un citoyen plaignant, ce dernier se trouve esseulé et sans possibilité ni garantie de conduite de sa plainte à bonne fin.  Que faire face au temps qui passe ?   

Les administrations qui entrent en action lors d’un contentieux entre l’Etat et son agent ce sont : l’administration utilisatrice de l’agent, l’Agence judiciaire du Trésor (AJT) et le Conseil d’Etat. 

Quand l’avis de ce dernier déclare fondée la requête du plaignant, avec en filigrane la condamnation de l’Etat, plusieurs années peuvent s’écouler sans que la procédure n’aboutisse. 

L’Etat impartial que nous voulons au Gabon impose à toutes les composantes du corps social le respect des décisions de justice qui sont favorables aux uns et préjudiciables aux autres; que l’on soit une personne morale ou physique, pauvre ou riche, noir ou blanc, jeune, adulte ou vieux, civil, politique ou soldat. Sans cela, l’affirmation de l’égalité de tous devant la loi et la justice ne restera qu’une clause de style destinée à tromper le peuple. 

Quand une administration ne remplit pas, ou ne peut plus remplir ses missions républicaines, il faut mettre fin à son existence. Si, du fait de sa relative impartialité, le Conseil d’Etat est gênant pour le fonctionnement des autres institutions, il faut le supprimer. Face la toute puissance de l’Etat, le Conseil sert, quelque peu, de rempart protecteur au citoyen. Dire que cet organisme qui est, à sa manière, un contre pouvoir républicain n’a pas un siège digne de sa prestance ; quand des administrations et autres agences moins rayonnantes sont installées dans des bâtiments neufs et luxueux. 

Présentement, pour des raisons diverses et variées, beaucoup de dossiers sont bloqués au Conseil d’Etat. D’abord, parce que ses membres ne sont pas dans les conditions optimales de travail pour les finaliser, ensuite, les administrations fautives et sanctionnées mettent tout en œuvre pour ne pas faire avancer les procédures ; enfin le sentiment général est que l’on impose le statuquo à l’organisme étatique en charge du règlement des sommes fixées en réparation des dommages. Ces derniers temps, la rumeur affirme que « les caisses de l’Etat sont vides »... 

Quand on peut bloquer un système informatique pour empêcher l’accès aux comptes publics en mauvais état, quand les télécommunications peuvent être brouillées pour que les informations ne circulent pas avec l’extérieur ; procéder au blocage du paiement des sommes dues aux citoyens est un acte banal. Quel crédit peut-on accorder à une administration qui s’évertue à cacher ses tares plutôt que de respecter et d’appliquer les lois et les règlements en vigueur ?

Les victimes de ces pratiques machiavéliques sont nombreuses dans le pays. Pour être respectés, l’Etat et ses institutions doivent être dignes et vertueux. Le recours aux subterfuges et autres comportements dilatoires n’est que violation de la loi, manque d’éthique et de grandeur d’esprit. Qu’est ce qui explique que le Conseil économique et social (CES) ; la Cour Constitutionnelle, le Conseil national de la communication (CNC), la Commission électorale nationale permanente (CENAP), le Secrétariat général du Gouvernement (SGG), le Parti démocratique gabonais (PDG), la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite et d’autres institutions aient des sièges anciens ou nouveaux…et pas le Conseil d’Etat ? Il y a un véritable problème autour de cette institution. 

Le présent plaidoyer en sa faveur n’est que la traduction de l’écœurement et de l’incompréhension de tous les gabonais qui attendent la suite de leur plainte contre l’Etat, et qui ne parviennent plus à contacter ses membres dont les activités ont un réel impact social. La justice c’est aussi d’exécuter la peine lorsqu’on est condamné par la loi ; et de donner ainsi la preuve qu’on respecte les institutions mises en place pour réguler la vie sociopolitique collective dans le pays. L’irrespect de la loi et l’humiliation du citoyen sont des dénis de justice, de l’Etat de droit, et violation de la loi qui sont assimilables à la haute trahison. Si la loi qui est le moyen courant et normatif édicté par l’Etat, pour régler les conflits, perd sa force et se trouve bafouée par l’Etat lui-même, que reste-t-il aux simples gens pour espérer affronter légalement et victorieusement l’Etat sur une base égalitaire ? 

C’est à croire que les institutions de la République et leurs personnels sont traités en fonction de leur allégeance à l’Exécutif, ou de la qualité des relations personnelles entre leurs dirigeants et ceux de l’exécutif, et de leur dimension sociopolitique et financière.  Le Conseil d’Etat rend moult avis qui ont des conséquences dans la gestion de la trésorerie publique. Particulièrement quand l’Etat est condamné, à payer de fortes sommes pour indemniser un requérant. Aussi, faut-il épisodiquement suspendre ou empêcher les activités du Conseil par de pernicieuses manœuvres afin d’éviter de sortir l’argent des caisses. Le Conseil pourrait alors se trouver dans l’obligation de fixer à la baisse les montants des sommes légitimes à payer pour indemnisation. 

Certes, le Conseil d’Etat, la Cour constitutionnelle et le CNC, ne comptent pas en leur sein que des agents formés ou spécialisés dans leur domaine d’activités. On y trouve des « corps étrangers », nommés par la volonté des chefs et utilisés volontairement ou pas pour servir de repoussoir ou pour retarder les procédures. Un Etat de droit ne peut pas se composer de deux catégories d’Institutions. D’une part, celles qui sont fonctionnelles, dotées de copieux moyens matériels, financiers et humains et dirigées par des personnels aisés et nantis ; et de l’autre, celles qui n’ont d’institution républicaine que le nom et le titre, et qui, en fait sont des « Institutions d’opérette » ne servant que d’apparat et de décorum étatique. 

La République est au service du peuple, et, toutes les institutions qui la forment doivent être respectées et équitablement gérées par l’Institution suprême qui est la Présidence de la République dirigée par un Chef de l’Etat soumis, par son serment, à l’obligation d’être juste envers tous. La simple observation montre que la Cour constitutionnelle, le Sénat, l’Assemblée nationale, le Conseil économique et social et leurs responsables sont placés dans les conditions idoines pour accomplir leurs missions. 

Le Conseil d’Etat semble ne pas être logé à la même enseigne. L’indemnisation des citoyens à partir d’une cagnotte constituée à cet effet comporte habituellement des entraves liées à la cupidité des personnes chargées de conduire l’opération. 

Beaucoup de gabonais sont morts sans avoir reçu les sommes qui leur revenaient suite à une décision légale : Gabon poste, Gabon informatique, Air Gabon, BGL, etc. L’Etat doit payer pour les fautes commises par ses agents véreux, incompétents, paresseux et inattentionnés qui ne comprennent rien à l’éthique, à la hiérarchie, aux procédures et aux us et coutumes administratifs et qui, en retour doivent être durement sanctionnés.