22 avr. 2017

LA DIFFICILE ET PENIBLE VOIE DU CHANGEMENT ET DE L'ALTERNANCE AU GABON ET EN AFRIQUE

Avertissement : Cet écrit n’est ni une incitation à la haine, et nullement un appel à l’insurrection ou à la violence. C’est une analyse basique fondée sur les pratiques politiques anciennes connues et courantes en Afrique noire. L’exercice des pouvoirs… du pouvoir politique devient, en situation électorale, une affirmation de la puissance étatique institutionnelle. Les pouvoirs gabonais successifs n’y échappent pas. Aussi, j’invite mes éventuels contradicteurs à en débattre sereinement, sans passion et sans préjugés, mais avec des arguments objectifs fondés sur le bon sens, l’expertise, l’expérience et les compétences personnelles.

Sur les réseaux sociaux, quelques femmes et hommes critiquent la lenteur prise par l’accession au pouvoir de Monsieur Jean Ping après son élection. De même, au Gabon et ailleurs, d’autres se montrent impatients pour la même raison sans pour autant esquisser un scénario en guise de solution.

Si Ping est le vainqueur de la présidentielle, c’est pourtant Ali qui est toujours en poste au sommet de l’Etat. Sous l’effet de l’impatience et du « ras-le-bol », nombreux compatriotes font un rapide rapprochement entre les crises post-électorales de Gambie et du Gabon sans comprendre les spécificités de l’environnement de ces pays.

La Gambie n’est pas le Gabon, la CEEAC n’est pas la CDEAO, l’Afrique Centrale n’est pas l’Afrique de l’Ouest, l’armée gabonaise n’est pas l’armée gambienne, Ali Bongo n’est pas Yahya Jammey et Adama Barrow n’est pas Jean Ping. Parmi les données qui compliquent l’installation de Ping au pouvoir, il y a le fait que celui qui occupe le poste est déterminé à y rester. Il n’a cure de ce que pense l’opinion nationale et la communauté internationale, ni de la sévère crise que traverse le pays. Ensuite, il est impensable qu’après 7 mois, les juges des résultats électoraux reviennent sur leur forfait. Cependant, il est évident que le pays est bloqué à tous les niveaux : économique, social, financier, moral et psychologique. Ce blocage est causé par la nature du Gabon qui est un minuscule pays riche et mystique.

Si en Gambie, plusieurs entités se sont mobilisées pour installer le vainqueur de la présidentielle au pouvoir, au Gabon, la Communauté internationale dont la France, l’UA et les pays de la sous-région CEEAC ne savent pas par quel bout commencer à traiter la crise post-électorale. Ils donnent la fausse impression d’être indifférents, tétanisés, dépassés et surpris par la tournure prise par les évènements.

Au niveau national, les institutions légales sclérosées sont caractérisées par leur obsolescence et par la partialité et la vénalité de leurs responsables, ce qui rend inopérante la voie légale pour assurer la transmission normale du pouvoir dans un Etat qui se dit républicain. Dans ce contexte, quels moyens reste-t-il à un candidat démocratiquement élu pour arriver à la direction du pays ?

L’aperçu historique des prises du pouvoir et des destitutions des Chefs d’Etat du pouvoir montre que la violence, les coups d’Etat militaire et civile, et les soulèvements populaires sont les ultimes recours en cas d’obstruction du changement démocratique légal. Ce fut les cas à Cuba, au Congo, au Dahomey, au Togo, en Côte d’Ivoire, en Guinée Equatoriale, en Egypte, en Tunisie et ailleurs.

En 1964, un push a échoué au Gabon, en partie, par la faute des soldats eux-mêmes. Le régime gabonais qui est vieux d’un demi-siècle n’est pas facile à déloger. Ses imbrications et ses ramifications tentaculaires dans les réseaux et les intérêts politiques, occultes et d’affaires, les accords secrets, le souci de préserver les privilèges claniques et familiaux sont les principales entraves à son changement et à l’alternance.

Les nationaux et les étrangers réfractaires au changement refusent que le Gabon serve d’exemple en se positionnant à l’avant-garde de l’alternance démocratique en Afrique Centrale. Ils veulent que le Gabon soit à la traine des pays africains francophones qui aspirent à la liberté. L’alternance au Gabon, aurait d’énormes répercussions sur les autres peuples opprimés de l’Afrique francophone et au delà…

Si le « maboul » peuple du petit Gabon, pré carré de la françafrique, corrompu et dévoyé, réussit une alternance démocratique, cela donnerait de l’énergie aux autres pays. L’effet de contagion serait tel que le mouvement risquerait de balayer les vieillots régimes francophones. Aussi, la lutte pour le changement et l’alternance au Gabon en faveur de Ping ne concerne plus le seul Gabon. L’alternance donne la trouille aux « amis et partenaires » du Gabon, y compris ceux qui se veulent démocratiques, chantres de la liberté et des droits de l’homme.

D’où les tergiversations et la lenteur à la prise du pouvoir par Jean Ping. Seuls les naïfs pensent qu’Ali n’a pas de puissants soutiens en France et à travers le monde. Tout héritage, même frelaté, comporte des aspects positifs. Ali a un Nom : Bongo, un Capital : les réserves financières constituées sous Omar et par lui-même et un Dossier : les transactions multiples et multiformes entre les Pouvoirs gabonais, anciens et nouveau, et les hommes d’Etat et d’affaires des pays étrangers : français, européens, asiatiques et africains.

Si Ali quitte le pouvoir par lui-même ou poussé par une tierce volonté, il faudrait déterminer la procédure et les modalités pratiques de son remplacement par Ping. Dans cette hypothèse : la vacance du pouvoir serait-elle constatée et la procédure constitutionnelle de désignation du nouveau Président engagée… le président du Sénat assurant l’intérim et un nouveau scrutin organisé ?

Quoique possible, la probabilité d’un coup d’Etat militaire au Gabon est infime. Seul un soulèvement populaire, face à la dégradation des conditions de travail et d’existence des populations, peut ébranler le pouvoir en place. Mba Abessole, Mamboundou, Mba Obame ont été vainqueurs aux élections présidentielles sans jamais accéder à la direction du pays.

Faut-il croire que c’est le sort qui est réservé au Président Jean Ping ? La réponse viendra de la mobilisation des partisans du changement, en particulier de la détermination des patriotes jeunes, hommes et femmes, mais aussi de l’appréciation, juste ou fausse qu’Ali Bongo fait de la popularité de son régime et de la perception qu’il a de ses relations à court, moyen et long terme avec la Communauté internationale.