22 mars 2015

A L'ABBE NOEL NGWA NGUEMA, A MON ONCLE BIEN AIME : PAR AMOUR, RESPECT ET ADMIRATION.


Tous nos aînés, prestigieux fils de Nguema nés au Gabon, ont eu une vie qui fait de leur séjour terrestre une tragédie au goût inachevé. Par leur formation et leur expérience professionnelle, soutenues par un excellent cursus scolaire, universitaire, et intellectuel ; chacun d’eux aurait, peu ou prou, légitimement prétendre jouer un rôle majeur dans l’organisation et le développement du Gabon, ce minuscule pays. Chacun d’eux pouvait prétendre accéder au sommet de l’Etat pour le gérer au nom et au profit du peuple. Ils ont connu le sort de ceux qui sont en avance sur leur temps, sort  fait de douleur, d’inquisition, d’incompréhension, d’indifférence et de solitude…S’il en est ainsi, c’est que Dieu l’a voulu.
    
Germain Mba Nguema assassiné, Jean Pierre Nzoghe Nguema emprisonné, humilié et torturé ; Marc Nan Nguema menotté, humilié et emprisonné ; Noêl Ngwa Nguema emprisonné, humilié  et sauvagement torturé. Presque tous sont décédés dans le silence malgré la violence de leur mort. 

De ces valeureux fils de Nguema, il reste en vie un seul qui a également été emprisonné, humilié : c’est Jean Marc Ekoh Nguema qui a été moqué depuis l’âge adulte jusqu’au crépuscule de sa vie par des gens sans moralité et irrespectueux de nos valeurs, mœurs, us et coutumes. Les jeunes doivent honorer et assister les Etres vieillissants en phase de partance.

Que s’est-il passé dans le passé pour que la malédiction frappe ces talentueux citoyens gabonais, ressortissants de la Famille de Nguema ? Bien formés, et techniquement qualifiés, ils n’ont point joué un rôle à la hauteur de leur charisme, de leur compétence et de leur engagement politique courageux en faveur du camp des démunis.

Quand meurt un homme, la multitude qui reste en vie le couvre d’éloges. Au Gabon, l’amitié, la fraternité et  l’amour,  qui sont enseignés et prônés dans tous les lieux ésotériques qui se veulent sains, ont laissé place à la haine, au mépris et à la moquerie. 

Nos valeurs ancestrales, en se mélangeant à celles qui ont été transplantées dans notre société par importation, ont perdu toute leur saveur. Les religions, particulièrement la catholique qui est la plus pratiquée au Gabon, ont assené des coups mortels à nos lieux saints ancestraux. Le métissage et le syncrétisme qui s’en sont dégagés ont, non seulement édulcoré leur teneur, mais en plus, ont transformé les gabonais, devenus poltrons et rendus plus malléables et peu audacieux. Dans cet embrouillamini général, quelques rares  compatriotes ont gardé leur dignité intacte ou presque. Parmi cette noble « oligarchie » morale et spirituelle se trouvent quelques uns de ma parenté : ces Nguema, dont j’ai toujours été fier et qui ont servi et qui serviront d’exemple et de guide à certains jeunes, comme le Christ l’est pour beaucoup depuis des générations. 

Porté par les premiers prêtres blancs venus de l’occident, l’homme noir africain, toujours abusivement hospitalier, a accueilli le Christ comme sauveur. Nos ancêtres, dans les temps anciens, après avoir donné leurs meilleurs fils aux esclavagistes négriers qui les conduisaient hors de l’Afrique pour des travaux corvéables mortels ; ont, dans les temps dits modernes, donné à l’église de Christ leurs fils, souvent premiers nés et le « bagage à mains » indispensable; dégarnissant ainsi la famille de ce qui incarnait sa divinité. Dans la Province du Moyen Ogooué, des familles miéné et fang ont poussé leurs enfants, souvent les meilleurs, à la profession religieuse dans les milieux protestants et  catholiques. 

Marc Saturnin Nan Nguema a échappé à la prêtrise après des rudes palabres entre ses clans maternel et paternel. Pour l’écarter de la voie sacerdotale il fut orienté vers l’éducation et la formation scolaires officielles traditionnelles. Ma naissance tardive et la généralisation de l’enseignement scolaire laïc m’ont soustraie de la voie des ordres. Malgré cela, il est resté gravé en nous un tenace sentiment religieux christique.

Noêl Aimé (je découvre ce second prénom qui est parmi les plus beaux prénoms français) Ngwa Nguema, notre oncle et ainé, est entré dans le monde ecclésiastique un peu comme « par défaut ». Chez les vrais fang d’antan, qui ne se laissaient pas embobiner par les dieux étrangers, une pièce rare comme Noël ne devait jamais sortir de sa famille. L’homme qui quitte sa famille naturelle d’origine,  pour une autre, sera toujours et  pour le reste de son existence un fils adoptif qui ne connaitra jamais toute l’histoire de sa famille d’adoption. Quand le fang qui opte  pour le service de l’église fait les vœux qui lui sont imposés, il ne sait pas à cet instant de sa vie, que l’avenir lui réserve un retour à la normativité qui le conduira à affronter des épreuves qui seront parfois en contradiction avec ses engagements sacerdotaux. Certes, les exégètes bibliques de l’idéologie christique ont retenu la confession comme moyen de se régénérer moralement et spirituellement après avoir péché ; cependant, la pratique du péché n’est pas éradiquée par l’aveu de la faute; sinon, tous les chrétiens fidèles adeptes et serviteurs de Christ n’auraient point de péchés.

Cher oncle, nos discussions sur la tradition fang, sur la profession de prêtre exercée par un fang me reviennent à la mémoire et me poussent à dire que Prêtre, tu t’étais condamné à assumer ton engagement religieux ; en gérant la chair et l’esprit, le corps et le sang de Jésus, le Possédé et l’Acquis. 

J’ai assisté à certaines de tes célébrations. J’en conclue aujourd’hui que c’est lorsque, de soutane vêtu, tu officiais à l’autel pour la célébration de l’eucharistie, droit tel une plante d’hysope, que tu étais vraiment  prêtre et christ totalement transfiguré en serviteur des Dieux. Sitôt ton soutane tombée, tu redevenais un citoyen qui avait des obligations sociales et humaines, et des droits en matière de justice, de liberté et de vérité ; exigeant pour les hommes et les femmes de ton temps des conditions  de vie collective convenables; en particulier pour ceux qui sont dans la douleur. Heureux les serviteurs de Dieu qui, face à la misère du peuple, ressentent de la douleur et dénoncent  l’oppression des pouvoirs autocratiques ; heureux et dignes sont-ils en réclamant la justice et le bonheur pour la multitude en sachant, par avance, qu’au bout se trouve la mort.

Lors de l’une de tes célébrations, tu parlais dans une homélie, avec ironie, de l’épisode du peuple d’Israël qui avait été esclave pendant 40 ans en Egypte, et qui, sous la conduite de Moise sortit de cet esclavage. Arrivé dans le désert, il eût faim et s’en prît violemment à Moïse. Israël reprochait à Moïse de l’avoir sorti du pays où il recevait une portion de nourriture, ration quotidienne, malgré les souffrances et les humiliations de leurs geôliers. Par ce qu’il avait faim, disais-tu, le « Peuple mis à part par Dieu » oublia subitement la rudesse de ses conditions de détention en Egypte, et y retourna en pensée, en souvenir …Oui, la faim ramenait le peuple de Dieu en prison. Ainsi va l’humanité. 

Oncle ! C’est par amour, respect, admiration et reconnaissance pour toi que j’ai décidé d’écrire ces lignes pour ne pas te laisser partir sans mots dire.

Ta mort a démontré que l’église catholique a perdu la pratique d’enterrer les prêtres à proximité de la paroisse où ils ont servi des années durant. L’église de Nzeng Ayong et toutes ses structures annexes sont ton œuvre. De ton vivant, tu avais clairement exprimé à tes parents et à tes confrères de l’église ta volonté d’y être enterré. Nombreux gabonais et gabonaises, civils et religieux peuvent en témoigner ; l’Archevêque y compris. La décision de t’inhumer à Saint-Jean a surpris plus d’un observateur ; moi aussi. Qu’est ce que ça aurait été juste et bon de te poster dans l’enceinte de « l’Eglise de l’Abbé Noël Ngwa de Nzeng-Ayong ». Cette décision est perçue comme une injustice qui déshérite  et déshonore   un « prélat »  qui a tout mis en œuvre pour donner aux Êtres pieux un lieu de rassemblement. Elle m’a fait écrire quelque part que : « La haine, fidèle compagne de l’Amour, portée par tes confrères et les tiers, t’a suivi jusqu’au tombeau…. » 

Mon Oncle, désormais tu es pour l’éternité en compagnie des nôtres, avec pour proches voisins, les autres adeptes amis du Christ….Et tu nous attends.