30 sept. 2013

DES PAROLES ET DES ACTES

C’est la lecture du communiqué final du dernier conseil des ministres qui est à l’origine de cette publication. La forme et le fond du texte gouvernemental nous ont paru quelque peu légers et ont suscité chez certains compatriotes, un sentiment d’incompréhension. Deux passages nous intéressent en priorité.


Le premier dit : « Après avoir procédé à l’examen des idées forces contenues dans l’adresse de Monsieur le Président de la République chef de l’Etat, Son Excellence Ali Bongo Ondimba à la Nation, lors de la commémoration du 53ème anniversaire de l’accession de notre pays à l’indépendance, le conseil a bien noté que l’évaluation de l’action Gouvernementale faite par Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, Son Excellence Ali Bongo Ondimba, a été sanctionnée par une mention loin d’être satisfaisante…. Le Conseil des Ministres note, en toute conscience, la nécessité impérieuse pour le Gouvernement de redoubler d’efforts, afin de matérialiser notre ambition collective ».

Le second passage énonce que : « conformément à l’action n° 13 du Plan Sectoriel Environnement du Plan Stratégique Gabon Emergent (PSGE), relatif à la lutte contre les pollutions et les nuisances, Monsieur le président de la République, chef de l’Etat, Son Excellence Ali Bongo Ondimba, toujours soucieux de l’amélioration des conditions de vie de ses compatriotes, a décidé de l’arrêt à l’importation des véhicules usagés de plus de trois (3) ans. Un délai de deux (2) mois sera accordé pour le dédouanement après vérification ».

En résumé : l’évaluation-appréciation que le P.R. a de l’action de son gouvernement est « loin d’être satisfaisante »

« Pour matérialiser notre ambition collective, le gouvernement doit redoubler d’efforts…» 

Nous nous proposons, à notre tour, d’examiner ces termes dont la formulation nous semble inappropriée ou incorrecte. 

Souvent préparées par le conseil interministériel, les décisions prises en conseil des ministres engagent généralement tout le Conseil et très rarement le seul président de la République qui procède aux arbitrages en cas de nécessité ou donne des orientations, voire des instructions. 

D’abord « l’évaluation du gouvernement par la mention loin d’être satisfaisante » du chef de l’Etat. 

Dans le fonctionnement républicain et démocratique normal des institutions, le Premier ministre, et on le répète souvent, est un fusible qui saute avec tous les membres de son gouvernement, quand leur gestion du programme politique du Président ne donne pas satisfaction à ce dernier.

L’évaluation du travail d’un gouvernement, par le Chef qui l’a nommé, ne devrait pas donner lieu à une sanction avec mention passable, assez-bien, très bien, honorable ou très honorable avec ou sans félicitations comme pour un devoir de lycéen  ou d’universitaire. En conséquence, la seule sanction qu’un chef d’Etat inflige dans le cadre institutionnel est la dissolution de l’équipe gouvernementale. 

Un chef de gouvernement et « ses ministres » ne doivent pas s’entendre dire, par la plus importante autorité de l’Etat et du pays, que leur travail est non satisfaisant et qu’ils doivent redoubler d’efforts ? Quels efforts ? 

Le communiqué fait penser aux débats d’il y a quelques mois relatifs à la place et au rôle de l’Agence Nationale des Grands Travaux (ANGT) dans l’organisation des institutions du pays. Certains avaient fait valoir, à juste titre, que l’arrimage à l’administration de la présidence de la république de cette énorme et envahissante structure soustrayait ses activités du contrôle du gouvernement. 

Or, l’ambition collective qui est de satisfaire les besoins légitimes des populations passe par la réalisation des projets gérés par l’ANGT. 

Dans quel sens et dans quels domaines le gouvernement doit-il redoubler d’efforts ? 

Le conseil des ministres qui a « noté en toute conscience »,  la nécessité impérieuse pour le Gouvernement de redoubler d’efforts n’a pas compris la douleur causée aux membres du gouvernement et leur « chef » dans cette affaire. 

Même si l’on n’assiste pas aux conseils des ministres, il se  dégage, de la lecture de ces phrases creuses des communiqués finals, une dissonance  ou un décalage entre les points inscrits à l’ordre du jour du Conseil, les débats (ou pas) autour de ces points et les formulations dans le rendu des synthèses des travaux fait aux populations. 

Ensuite, « sur la lutte contre les pollutions et les nuisances » qui explique la décision du Président d’arrêter l’importation des véhicules usagés de plus de trois (3) ans. 

Une analyse poussée de cette décision pourrait donner naissance à un volumineux ouvrage socio économique et financier. Partons de quelques observations. 

Est-il judicieux et convaincant d’asseoir cette décision sur la lutte contre la pollution et les nuisances, quand notre environnement vital immédiat est pollué par des ordures de toutes composantes, en particulier des ordures ménagères sans cesse en putréfaction. 

Quand les nuisances sonores provoquées par les décibels des musiques des bistrots perturbent le sommeil des habitants dans certains quartiers ; quand les hautes herbes envahissent les rues de certaines villes, quand l’eau courante distribuée par la SEEG est impropre à la consommation dans certaines villes, quand les rats, les cafards et les punaises cohabitent avec les humains etc. 

Arrêter l’importation des véhicules de plus de 3 ans signifie que tout véhicule de cet âge est interdit à la circulation au Gabon. 

L’on constate pourtant que le parc automobile gabonais est caractérisé par un vieillissement général des véhicules en circulation. 

On pourrait affirmer que près de la moitié de ces vieillottes voitures ont plus de 3 ans ; pire, elles servent au transport quotidien des pères, mères et enfants ; composantes de la population. 

Cette activité qui se fait dans des conditions souvent dangereuses, par des chercheurs d’argent, provoque parfois des graves accidents mortels. Imaginons le désordre et le vacarme que provoquerait le retrait de tous les véhicules qui ont plus de 3 ans de la circulation ; comment les simples gens du pays se déplaceraient et voyageraient sans ces vieillots taxis, taxis bus et clandos urbains et inter urbains ? 

L’objectif de cette décision n’est certainement pas la lutte contre la pollution et les nuisances. Ses raisons sont ailleurs. 

Elles pourraient se trouver dans la volonté de limiter les ventes des véhicules d’un marché d’occasion dont l’expansion se fait de plus en plus au détriment des ventes des voitures neuves, marché en expansion qui est entre les mains de puissants groupes d’intérêts  qui gênent d’autres groupes d’intérêts. 

Dans ce conflit d’intérêts, la décision attribuée au Chef de l’Etat, par le conseil, parait comme le résultat d’un arbitrage entre ces deux groupes qui sont, d’une part, les syro-libanais revendeurs des voitures d’occasion et de l’autre, les concessionnaires français et européens commerçants des automobiles neuves. 

Ces deux marchés cohabitent sans forcément avoir les mêmes clients ou la même politique de vente. Le marché de l’occasion constitue le marché populaire de l’automobile, celui qui permet au « gabonais moyen » d’acquérir un véhicule avec la possibilité de négocier son prix d’achat et ses modalités de paiement directement avec le vendeur. Ce marché rend des services énormes d’autant que les véhicules importés de Belgique, d’Allemagne, de France ou d’ailleurs sont généralement bien entretenus par leurs anciens propriétaires-vendeurs et satisfont leurs acquéreurs gabonais pendant quelques années. 

Pourquoi la décision vise les voitures usagées de plus de trois ans ? 

Sûrement par ce qu’en occident, quelques propriétaires changent leurs véhicules à cet âge ; et que leurs coûts d’achat et de revente seraient encore assez élevés et ne susciteraient pas une forte demande pouvant gêner les ventes des voitures neuves. 

Les vendeurs des voitures neuves, en particulier des grosses cylindrées, ont pour principal client l’Etat gabonais. Rares sont les personnes physiques, homme ou femme, qui peuvent s’offrir ou offrir un véhicule de 50 ou 60 millions… Dans le secteur automobile, les mesures prises pour protéger l’automobiliste et sécuriser l’automobile sont inadaptées au contexte du pays. 

L’on a institué les visites techniques (VT) en les rendant obligatoires et payantes, non pas pour vérifier le bon état des voitures, mais pour créer une caisse d’argent au profit d’une caste de privilégiés. La VT devrait logiquement déboucher sur le retrait de la circulation de tout véhicule présentant des anomalies et des défections le rendant inapte à la circulation. Or, plutôt que d’être au rebut, véhicules individuels, taxis et clandos de 10 ou 15 ans, voire plus, roulent encore et sont en parfaite conformité avec les dispositions techniques et les obligations réglementaires : assurance, carte grise, VT…En l’absence d’une compagnie de transport public efficace, les privés se démènent pour assurer les déplacements des citoyens en utilisant les voitures de plus de 3 ans. Quid de l’obligation du port de la ceinture dite de sécurité. 

En Europe, cette obligation est liée au fait que les automobilistes qui seraient allé trop vite, sur leurs bonnes routes sûres, pourraient en cas d’accident, avoir la chance d’être sauvés par la ceinture. 

Au Gabon, l’état des routes constitue un danger réel ; et, ce n’est pas la ceinture qui est un accessoire de véhicule qui garantit la première sécurité, mais bien les routes en bon état. A cela s’ajoute l’amélioration progressive du réseau routier national, dans le cadre de la mise en œuvre du schéma directeur d’infrastructures du PSGE. Cette amélioration va contribuer à maintenir les voitures d’occasion un peu plus longtemps en état de marche. Elle rendra les pannes moins fréquentes et moins graves. La conséquence en serait la baisse de demande des pièces automobiles et des revenus de leurs vendeurs du fait de la probable chute des ventes. 

Dans le passé, le Gabon a été un « comptoir commercial » et le demeure. C’est le pays où l’enrichissement est facile et aisé pour toutes les mafias de la planète, en complicité avec des nationaux. Il serait mieux d’envisager la mise hors d’usage des trop vieilles voitures ; et d’inciter les vendeurs de voitures d’entreprendre une étude pour la création d’une entreprise d’achat et d’exportation des ferrailles destinées aux fabricants des véhicules ou à tout autre demandeur de fer à recycler. Il y aura toujours suffisamment d’épaves de véhicules et autres fers à récupérer sur le sol gabonais et africain. 

Cette orientation qui est plus compliquée à mettre en œuvre, et dont la rentabilité semble hypothétique, a le mérite de lutter contre l’insalubrité et de permettre aux gagnes-petits d’espérer un jour s’acheter un véhicule d’occasion et de le revendre à la casse. Il y a visiblement des anomalies dans le fonctionnement actuel de nos institutions. Les décisions prises en conseil des ministres n’engagent pas forcément du P.R. C’est le conseil qui décide et pas le Président. Certes, les décrets et les décisions peuvent être pris en conseil des ministres ; mais, le plus souvent, et pour des situations sensibles, un Président décide seul ; sous une autre forme et point dans un communiqué du conseil des ministres mal rédigé. Les élections approchent avec leur cortège de plans, de compromis, de soutiens, d’accords qui mettent les hommes politiques à l’épreuve de la vérité de laquelle ils se sont éloignés. 

Depuis plusieurs années, le budget de l’Etat gabonais pour l’achat des véhicules de service ou de fonction s’élève à des milliards de francs. Au fil du temps, il s’est créé de durables relations de coopération entre l’Etat et les concessionnaires de véhicules. Aussi parait-il logique, si cela en est, que l’Etat vienne à la rescousse de partenaires en difficultés et inversement.        

A propos du communiqué du centre de développement des entreprises (CDE) : nous le savions, et l’enquête du CDE vient le confirmer, l’économie gabonaise, et avec elle la vie des gabonais, sont entre les mains des étrangers faussaires et malhonnêtes qui viennent et vivent au Gabon avec pour objectif fondamental de retirer, par tous les moyens, le maximum des ressources financières pour les transférer chez eux. 

Rien d’étonnant que la majorité des PME appartiennent aux étrangers, qu’elles aient la majorité des marchés publics, s’achètent et corrompent tous et toutes. 

Les conditions de leur entrée et de leur installation sur notre territoire sont rendues faciles par la mauvaise politique d’immigration du gouvernement. 

Il y a au Gabon trop d’étrangers, trop d’entreprises étrangères, trop de religions étrangères, trop de naissances d’enfants étrangers, trop de riches étrangers. Trop c’est trop ! 

MISÈRE, MALHEURS ET ESPOIRS DU SECTEUR AGRICOLE GABONAIS

Depuis plus d’un demi siècle, les dirigeants coloniaux d’abord et ceux de l’Etat gabonais post colonial ensuite n’ont pas réussi, et ne réussissent toujours pas à créer au Gabon, un secteur agricole solidement intégré dans les activités économiques productives nationales.  
Et, toutes les tentatives qui ont été entreprises n’ont pas réussi à installer les activités agricoles dans la durée. 
Est-ce le fait de la malédiction, de l’incompétence, de la négligence ou d’une volonté délibérée pour maintenir ce stratégique secteur dans un état archaïque et primitif ? 

L’initiative du Ministre de l’agriculture consistant à organiser une table ronde  sur « le rôle des gouvernements  dans l’intensification des impacts positifs de l’industrie agricole », quoique louable, apparaît comme une orientation hors réalité, une tentative abusivement positive en ce qui concerne l’organisation et la capacité de production de ce secteur au Gabon. 

Peut-on parler d’une industrie agricole gabonaise ayant des impacts positifs ?  
Où et comment se manifestent ces impacts positifs qu’il faut intensifier ? 
Sur la création des emplois ? 
Sur la structuration du secteur agricole ? 
Vivrier ou d’exportation ? 
Sur la contribution du secteur à la création de la richesse ? 
Quand des experts et des dirigeants étatiques parlent de « filière agro-industrielle », de quoi et de quelle agriculture est-il question ? 

La table ronde semble avoir porté à la fois sur l’agriculture dite industrielle, de rente ou d’exportation et sur la vivrière, peu productive, utilisant une faible main d’œuvre non qualifiée et souvent exercée par les autochtones sur des superficies étriquées aux qualités cultivables non validées scientifiquement. 

Naguère, les plans de développement coloniaux puis du Gabon indépendant définissaient des orientations, des objectifs et des financements pour la promotion de ces deux formes d’agriculture. 

La première traitait de la production du paddy, du manioc, de la banane, des taros, de l’igname etc. 

La seconde comprenait le cacao, le café, les palmistes. 

Les programmes initiés dans ce secteur à deux volets n’ont pas atteint les objectifs fixés ; en particulier, celui de constituer un secteur agricole structuré, performant assurant une auto suffisance alimentaire et contribuant significativement à la formation du PIB. Deux admirables projets conduits, l’un dans la province de la Nyanga par les chinois pour la culture du riz dans le cadre de la coopération officielle entre le Gabon et la Chine et l’autre, à Nkolayop,  dans la province du Woleu-Ntem, par un investisseur privé gabonais visaient à insérer une activité agricole pérenne dans ce secteur. 

D’autres expériences plus anciennes n’ont pas pu se perpétuer jusqu’aujourd’hui pour des causes et des raisons diverses et variées. Au Gabon, il n’y a pas d’industrie agricole. 

Cependant, quelques actions pilotes ont fait la preuve que l’agriculture est une activité qui peut s’exercer dans le pays. La majorité des espaces cultivées par les nationaux sont souvent de petites dimensions situées dans les zones rurales, à proximité des villages situés le long des routes ou des cours d’eau. Leurs productions ou surplus de productions sont acheminés par voies terrestre ou fluviale vers les marchés qui sont les plus porteurs ; en particulier ceux des capitales des provinces. 

D’abord cantonnées aux alentours de ces marchés privilégiés, progressivement les centres de productions s’en sont quelque peu  éloignés, sous l’effet de l’amélioration des conditions générales du transport terrestre en particulier de la qualité des routes. Si le chemin de fer est perçu comme réservé au transport des minerais et du bois la route, par le cabotage, est considérée comme le mode de transport de masse adapté à la libre circulation des personnes et à l’évacuation contrôlée des produits agricoles vivriers. 

Les difficultés liées à la nature et aux caractéristiques spécifiques des activités agricoles sont connues. Elles se composent des principales phases suivantes : choix du lieu de l’implantation des unités de production, choix des espèces de pépinières et des plants à cultiver ; connaissance des propriétés et des qualités des sols ; dimensions des plantations, direction et gestion des exploitations, quantité de la main d’œuvre,  désherbage et déforestage,  binage, sarclage et plantation ; entretien des  plants et lutte contre les attaques des prédateurs : insectes, oiseaux, animaux dont les éléphants, lutte contre les caprices du temps liés aux saisons, récolte, conservation et transport des produits du lieu de production au lieu de commercialisation, fixation des coûts de production et des marges bénéficiaires, le traitement et la conservation des invendus, etc. 

Il ne s’est guère dégagé de la faible population du Gabon, un groupe de nationaux déterminés et décidés à affronter victorieusement ces exigences que les activités agricoles et la rudesse des intempéries des saisons imposent. 

Pourtant, avant l’indépendance du pays, une intense activité agricole mobilisait une partie des actifs dans ce secteur qui s’est progressivement affaibli au cours des premières années de l’indépendance du pays. Un bref regard sur le passé montre que l’agriculture a toujours été une préoccupation majeure des gouvernants. Déjà, dans les plans coloniaux de développement de l’AEF, le secteur agricole occupait dans les discours, une place privilégiée qui n’était pas confirmée par la répartition sectorielle des ressources. 

Les autorités politiques et économiques coloniales avouaient leur pessimisme sur l’évolution de l’agriculture vivrière en constatant sa  faiblesse et sa désorganisation. En revanche, elles espéraient développer l’agriculture dite industrielle à vocation exportatrice dont les moyens matériels de production étaient avancés. 

Les plans gabonais de développement de l’agriculture ont toujours distingué les deux catégories d’agriculture. 

Dans le premier plan décennal de l’AEF (1947-1957), l’accent était mis sur les infrastructures, la production et les dépenses sociales. Les priorités du Territoire du Gabon portaient sur la recherche, l’agriculture, les activités forestières, les infrastructures de communications et l’exportation minière qui était à ses débuts. 

En 1950, un décret créa et fixa les modalités d’organisation et de fonctionnement des Secteurs de Modernisation agricole (SMA) à créer. L’inspecteur Général de l’agriculture en AEF écrivait que : « ce qui frappe, c’est l’état arriéré de l’agriculture africaine et l’improvisation. L’agriculture n’est pas encore le puissant levier d’équilibre économique, d’essor industriel et d’évolution sociale qu’il importerait de posséder… alors qu’elle est le fondement obligé du progrès général » et d’ajouter : « qu’il fallait s’attaquer à la réorganisation de la recherche agronomique, à l’achèvement des services agricoles territoriaux, à la main d’œuvre, à l’institution du crédit agricole au sens large, à l’éducation professionnelle de la société rurale en vue de préparer sur des bases solides des structures coopératives… Les conditions de réussite de cette politique agricole étaient : son application totale coordonnée par une action technique (recherche et propagande) ; la formation d’une main d’œuvre et l’appui aux producteurs » (Marchés Coloniaux n° 305 du 15/9/1951), conformément à l’orientation politique dont le contenu essentiel était de procéder à une industrialisation de l’agriculture dans toute l’AEF. 

A la demande du Ministre de la France d’Outre Mer, des zones propices à la création des plantations à production intense réunissant les conditions les plus favorables de fertilité, de facilité d’accès, et, où la mécanisation pouvait suppléer à la rareté de la main d’œuvre, furent choisies. 

Parmi celles-ci, on citait : Ntoum, Akok, Fernan-Vaz, Adzebé, Kango, Bifoun et Mvily. Le secteur Bifoun-Mvily, écrivait Durand-Réville, Sénateur du Gabon, présente le très gros avantage d’être situé de part et d’autre de l’Ogooué, ce qui constitue une très bonne voie d’accès… 

Les sols y sont meilleurs que ceux qui ont été étudiés par les prospecteurs, tant en Oubangui-Chari qu’au Cameroun, et dans d’autres zones du Gabon ». Le terrain de relief était estimé à 10.000 hectares. C’est ce secteur, concluait le Sénateur, qui réunit le plus de facteurs favorables (MC n° 446 du 29 Mai 1954 p 1517). 

Les produits retenus pour leur mise en valeur  étaient, pour l’agriculture vivrière : le riz, la banane, le manioc, les taros, l’arachide ; et pour les cultures d’exportation : le café, le cacao, les palmistes. Les objectifs de la structuration du secteur agricole étaient clairs. Ils consistaient à fixer les paysans sur leurs terres en les rendant propriétaires des parcelles dans des villages de paysannat, à multiplier les centres pilotes d’expérimentation agricole, répandre l’hydraulique agricole et pastorale pour améliorer les conditions de vie des populations en couvrant les besoins alimentaires  du Territoire. 

Quant à l’agriculture industrielle, l’objectif était de spécialiser les régions. Ainsi, le cacao, la plus ancienne culture d’exportation était localisée depuis 1959 dans l’Ogooué-Ivindo et le Woleu-Ntem; il était prévu de l’étendre à Ndjolé dans le Moyen-Ogooué. Le café était cultivé dans l’Ogooué Ivindo, l’Ogooué-Lolo, le Woleu-Ntem et le Haut-Ogooué. les oléagineux cantonnés dans le Moyen-Ogooué et la Nyanga. Avant 1960, une société PALMEVEA de 800 ha de plantations et une huilerie privée SOGABOL étaient installées à Lambaréné ; la COOPALMO, la Coopérative de palmeraie de Moabi dans la Nyanga. Cette stratégie d’industrialisation du secteur agricole gabonais bénéficiait de l’encadrement des Instituts de Recherches  Appliqués à l’exemple des Instituts de recherche des huiles et oléagineux tropicaux (IRHO), l’Institut des fruits et agrumes tropicaux (IFAC), la compagnie française pour le développement  des fibres textiles (CFDT) ; la compagnie générale des oléagineux tropicaux (CGOT). 

En 1954, le gouverneur du Gabon disait à la 2ème session de l’Assemblée Territoriale : «  l’effort fait pour la mise en valeur de la terre gabonaise demeure encore insuffisant, et doit être accentué dans les années à venir par le renforcement et l’encadrement de l’agriculture, l’accession des cultivateurs à la propriété du sol, l’aide aux paysans grâce aux prêts agricoles »

A côtés des cultivateurs artisanaux se tenaient les sociétés dites d’Etat (SE) ou d’Economie Mixte (SEM) qui concrétisaient la présence des capitaux privés dans le secteur agricole local. A l’indépendance des sociétés et autres organismes prennent le relai des instances coloniales et se chargent de l’encadrement, de l’expérimentation et de la mise en œuvre des projets et des programmes agricoles nationaux. 

En juillet 1974, un conseil des ministres décide de la construction à Lebamba, d’une huilerie de traitement d’arachides et de palmistes qui n’a jamais vu le jour. En 1977 fut créée la Sepoga. 

En 1980, Agrogabon, Siat actuelle, reprit Palmevea et Coopalmo. D’autres sociétés agricoles furent créées suivant la logique de la provincialisation coloniale. Des essais de la culture de canne à sucre ont eu lieu à Lambaréné, Cocobeach, Tchibanga et Franceville qui fut retenu et vit la naissance de Sosuho qui nécessita un investissement de près de 16 milliards fin 1980. 

Le projet hévéaculture prévu près de Mitzic dans le plan 1976-1980 et repris dans le plan intérimaire 1980-1982 ne fut pas exécuté et connait présentement des difficultés. Un programme cocotier avait été identifié à Mayumba sur 5.000 ha, il ne se concrétisa pas. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. 

Le Gabon a une connaissance suffisante de la géographie culturale dessinée par les colonisateurs, il existe surement des archives. 

Il reste à Monsieur le Ministre de faire vérifier par ses experts si les zones retenues pour les projets sont encore disponibles pour une implantation des activités, si les projets et les cultures prévues sont toujours rentables, si non, redéfinir d’autres bases en relation avec les besoins des marchés local et extérieur. 

La stratégie ancienne contient de précieuses données qui devraient être examinées et, en cas de besoin, actualisées et adaptées. Avant une «table ronde  sur le rôle des gouvernements  dans l’intensification des impacts positifs de l’industrie agricole », il faut faire l’inventaire et l’évaluation des projets, programmes, expériences agricoles gabonais (de 1946 à 2006) sous tous leurs aspects : humains, financements et partenariats techniques, matériels, institutionnels, types de cultures… en vue de la mise en œuvre d’une politique nationale agricole émergente par étapes contrôlées, en relation et en coordination avec les politiques des pays de notre sous-région.