30 sept. 2013

MISÈRE, MALHEURS ET ESPOIRS DU SECTEUR AGRICOLE GABONAIS

Depuis plus d’un demi siècle, les dirigeants coloniaux d’abord et ceux de l’Etat gabonais post colonial ensuite n’ont pas réussi, et ne réussissent toujours pas à créer au Gabon, un secteur agricole solidement intégré dans les activités économiques productives nationales.  
Et, toutes les tentatives qui ont été entreprises n’ont pas réussi à installer les activités agricoles dans la durée. 
Est-ce le fait de la malédiction, de l’incompétence, de la négligence ou d’une volonté délibérée pour maintenir ce stratégique secteur dans un état archaïque et primitif ? 

L’initiative du Ministre de l’agriculture consistant à organiser une table ronde  sur « le rôle des gouvernements  dans l’intensification des impacts positifs de l’industrie agricole », quoique louable, apparaît comme une orientation hors réalité, une tentative abusivement positive en ce qui concerne l’organisation et la capacité de production de ce secteur au Gabon. 

Peut-on parler d’une industrie agricole gabonaise ayant des impacts positifs ?  
Où et comment se manifestent ces impacts positifs qu’il faut intensifier ? 
Sur la création des emplois ? 
Sur la structuration du secteur agricole ? 
Vivrier ou d’exportation ? 
Sur la contribution du secteur à la création de la richesse ? 
Quand des experts et des dirigeants étatiques parlent de « filière agro-industrielle », de quoi et de quelle agriculture est-il question ? 

La table ronde semble avoir porté à la fois sur l’agriculture dite industrielle, de rente ou d’exportation et sur la vivrière, peu productive, utilisant une faible main d’œuvre non qualifiée et souvent exercée par les autochtones sur des superficies étriquées aux qualités cultivables non validées scientifiquement. 

Naguère, les plans de développement coloniaux puis du Gabon indépendant définissaient des orientations, des objectifs et des financements pour la promotion de ces deux formes d’agriculture. 

La première traitait de la production du paddy, du manioc, de la banane, des taros, de l’igname etc. 

La seconde comprenait le cacao, le café, les palmistes. 

Les programmes initiés dans ce secteur à deux volets n’ont pas atteint les objectifs fixés ; en particulier, celui de constituer un secteur agricole structuré, performant assurant une auto suffisance alimentaire et contribuant significativement à la formation du PIB. Deux admirables projets conduits, l’un dans la province de la Nyanga par les chinois pour la culture du riz dans le cadre de la coopération officielle entre le Gabon et la Chine et l’autre, à Nkolayop,  dans la province du Woleu-Ntem, par un investisseur privé gabonais visaient à insérer une activité agricole pérenne dans ce secteur. 

D’autres expériences plus anciennes n’ont pas pu se perpétuer jusqu’aujourd’hui pour des causes et des raisons diverses et variées. Au Gabon, il n’y a pas d’industrie agricole. 

Cependant, quelques actions pilotes ont fait la preuve que l’agriculture est une activité qui peut s’exercer dans le pays. La majorité des espaces cultivées par les nationaux sont souvent de petites dimensions situées dans les zones rurales, à proximité des villages situés le long des routes ou des cours d’eau. Leurs productions ou surplus de productions sont acheminés par voies terrestre ou fluviale vers les marchés qui sont les plus porteurs ; en particulier ceux des capitales des provinces. 

D’abord cantonnées aux alentours de ces marchés privilégiés, progressivement les centres de productions s’en sont quelque peu  éloignés, sous l’effet de l’amélioration des conditions générales du transport terrestre en particulier de la qualité des routes. Si le chemin de fer est perçu comme réservé au transport des minerais et du bois la route, par le cabotage, est considérée comme le mode de transport de masse adapté à la libre circulation des personnes et à l’évacuation contrôlée des produits agricoles vivriers. 

Les difficultés liées à la nature et aux caractéristiques spécifiques des activités agricoles sont connues. Elles se composent des principales phases suivantes : choix du lieu de l’implantation des unités de production, choix des espèces de pépinières et des plants à cultiver ; connaissance des propriétés et des qualités des sols ; dimensions des plantations, direction et gestion des exploitations, quantité de la main d’œuvre,  désherbage et déforestage,  binage, sarclage et plantation ; entretien des  plants et lutte contre les attaques des prédateurs : insectes, oiseaux, animaux dont les éléphants, lutte contre les caprices du temps liés aux saisons, récolte, conservation et transport des produits du lieu de production au lieu de commercialisation, fixation des coûts de production et des marges bénéficiaires, le traitement et la conservation des invendus, etc. 

Il ne s’est guère dégagé de la faible population du Gabon, un groupe de nationaux déterminés et décidés à affronter victorieusement ces exigences que les activités agricoles et la rudesse des intempéries des saisons imposent. 

Pourtant, avant l’indépendance du pays, une intense activité agricole mobilisait une partie des actifs dans ce secteur qui s’est progressivement affaibli au cours des premières années de l’indépendance du pays. Un bref regard sur le passé montre que l’agriculture a toujours été une préoccupation majeure des gouvernants. Déjà, dans les plans coloniaux de développement de l’AEF, le secteur agricole occupait dans les discours, une place privilégiée qui n’était pas confirmée par la répartition sectorielle des ressources. 

Les autorités politiques et économiques coloniales avouaient leur pessimisme sur l’évolution de l’agriculture vivrière en constatant sa  faiblesse et sa désorganisation. En revanche, elles espéraient développer l’agriculture dite industrielle à vocation exportatrice dont les moyens matériels de production étaient avancés. 

Les plans gabonais de développement de l’agriculture ont toujours distingué les deux catégories d’agriculture. 

Dans le premier plan décennal de l’AEF (1947-1957), l’accent était mis sur les infrastructures, la production et les dépenses sociales. Les priorités du Territoire du Gabon portaient sur la recherche, l’agriculture, les activités forestières, les infrastructures de communications et l’exportation minière qui était à ses débuts. 

En 1950, un décret créa et fixa les modalités d’organisation et de fonctionnement des Secteurs de Modernisation agricole (SMA) à créer. L’inspecteur Général de l’agriculture en AEF écrivait que : « ce qui frappe, c’est l’état arriéré de l’agriculture africaine et l’improvisation. L’agriculture n’est pas encore le puissant levier d’équilibre économique, d’essor industriel et d’évolution sociale qu’il importerait de posséder… alors qu’elle est le fondement obligé du progrès général » et d’ajouter : « qu’il fallait s’attaquer à la réorganisation de la recherche agronomique, à l’achèvement des services agricoles territoriaux, à la main d’œuvre, à l’institution du crédit agricole au sens large, à l’éducation professionnelle de la société rurale en vue de préparer sur des bases solides des structures coopératives… Les conditions de réussite de cette politique agricole étaient : son application totale coordonnée par une action technique (recherche et propagande) ; la formation d’une main d’œuvre et l’appui aux producteurs » (Marchés Coloniaux n° 305 du 15/9/1951), conformément à l’orientation politique dont le contenu essentiel était de procéder à une industrialisation de l’agriculture dans toute l’AEF. 

A la demande du Ministre de la France d’Outre Mer, des zones propices à la création des plantations à production intense réunissant les conditions les plus favorables de fertilité, de facilité d’accès, et, où la mécanisation pouvait suppléer à la rareté de la main d’œuvre, furent choisies. 

Parmi celles-ci, on citait : Ntoum, Akok, Fernan-Vaz, Adzebé, Kango, Bifoun et Mvily. Le secteur Bifoun-Mvily, écrivait Durand-Réville, Sénateur du Gabon, présente le très gros avantage d’être situé de part et d’autre de l’Ogooué, ce qui constitue une très bonne voie d’accès… 

Les sols y sont meilleurs que ceux qui ont été étudiés par les prospecteurs, tant en Oubangui-Chari qu’au Cameroun, et dans d’autres zones du Gabon ». Le terrain de relief était estimé à 10.000 hectares. C’est ce secteur, concluait le Sénateur, qui réunit le plus de facteurs favorables (MC n° 446 du 29 Mai 1954 p 1517). 

Les produits retenus pour leur mise en valeur  étaient, pour l’agriculture vivrière : le riz, la banane, le manioc, les taros, l’arachide ; et pour les cultures d’exportation : le café, le cacao, les palmistes. Les objectifs de la structuration du secteur agricole étaient clairs. Ils consistaient à fixer les paysans sur leurs terres en les rendant propriétaires des parcelles dans des villages de paysannat, à multiplier les centres pilotes d’expérimentation agricole, répandre l’hydraulique agricole et pastorale pour améliorer les conditions de vie des populations en couvrant les besoins alimentaires  du Territoire. 

Quant à l’agriculture industrielle, l’objectif était de spécialiser les régions. Ainsi, le cacao, la plus ancienne culture d’exportation était localisée depuis 1959 dans l’Ogooué-Ivindo et le Woleu-Ntem; il était prévu de l’étendre à Ndjolé dans le Moyen-Ogooué. Le café était cultivé dans l’Ogooué Ivindo, l’Ogooué-Lolo, le Woleu-Ntem et le Haut-Ogooué. les oléagineux cantonnés dans le Moyen-Ogooué et la Nyanga. Avant 1960, une société PALMEVEA de 800 ha de plantations et une huilerie privée SOGABOL étaient installées à Lambaréné ; la COOPALMO, la Coopérative de palmeraie de Moabi dans la Nyanga. Cette stratégie d’industrialisation du secteur agricole gabonais bénéficiait de l’encadrement des Instituts de Recherches  Appliqués à l’exemple des Instituts de recherche des huiles et oléagineux tropicaux (IRHO), l’Institut des fruits et agrumes tropicaux (IFAC), la compagnie française pour le développement  des fibres textiles (CFDT) ; la compagnie générale des oléagineux tropicaux (CGOT). 

En 1954, le gouverneur du Gabon disait à la 2ème session de l’Assemblée Territoriale : «  l’effort fait pour la mise en valeur de la terre gabonaise demeure encore insuffisant, et doit être accentué dans les années à venir par le renforcement et l’encadrement de l’agriculture, l’accession des cultivateurs à la propriété du sol, l’aide aux paysans grâce aux prêts agricoles »

A côtés des cultivateurs artisanaux se tenaient les sociétés dites d’Etat (SE) ou d’Economie Mixte (SEM) qui concrétisaient la présence des capitaux privés dans le secteur agricole local. A l’indépendance des sociétés et autres organismes prennent le relai des instances coloniales et se chargent de l’encadrement, de l’expérimentation et de la mise en œuvre des projets et des programmes agricoles nationaux. 

En juillet 1974, un conseil des ministres décide de la construction à Lebamba, d’une huilerie de traitement d’arachides et de palmistes qui n’a jamais vu le jour. En 1977 fut créée la Sepoga. 

En 1980, Agrogabon, Siat actuelle, reprit Palmevea et Coopalmo. D’autres sociétés agricoles furent créées suivant la logique de la provincialisation coloniale. Des essais de la culture de canne à sucre ont eu lieu à Lambaréné, Cocobeach, Tchibanga et Franceville qui fut retenu et vit la naissance de Sosuho qui nécessita un investissement de près de 16 milliards fin 1980. 

Le projet hévéaculture prévu près de Mitzic dans le plan 1976-1980 et repris dans le plan intérimaire 1980-1982 ne fut pas exécuté et connait présentement des difficultés. Un programme cocotier avait été identifié à Mayumba sur 5.000 ha, il ne se concrétisa pas. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. 

Le Gabon a une connaissance suffisante de la géographie culturale dessinée par les colonisateurs, il existe surement des archives. 

Il reste à Monsieur le Ministre de faire vérifier par ses experts si les zones retenues pour les projets sont encore disponibles pour une implantation des activités, si les projets et les cultures prévues sont toujours rentables, si non, redéfinir d’autres bases en relation avec les besoins des marchés local et extérieur. 

La stratégie ancienne contient de précieuses données qui devraient être examinées et, en cas de besoin, actualisées et adaptées. Avant une «table ronde  sur le rôle des gouvernements  dans l’intensification des impacts positifs de l’industrie agricole », il faut faire l’inventaire et l’évaluation des projets, programmes, expériences agricoles gabonais (de 1946 à 2006) sous tous leurs aspects : humains, financements et partenariats techniques, matériels, institutionnels, types de cultures… en vue de la mise en œuvre d’une politique nationale agricole émergente par étapes contrôlées, en relation et en coordination avec les politiques des pays de notre sous-région.   

1 commentaire:

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