23 avr. 2015

CONVERSATION ENTRE JEAN CHRIST MBINA ET MOI


Au commencement était la parole et la parole par magie créa le monde et du monde sortit l’homme et l’homme retourne à la terre : au monde, à Dieu, à lui.      

JeanChrist Mbina : Bonjour Grand! C’est avec  beaucoup d’émotion, de sentiments entremêlés, faits de tristesse, de confiance et d’espoir que j’ai lu et relu ta missive (à lire ici) dans laquelle tu abordes des sujets qui sont hautement importants pour notre pays, ses femmes et ses hommes qui forment son peuple. 

Je constate que les oppositions socio politiques se sont exacerbées et se radicalisent au point que nombreux craignent que ce climat malsain devienne de plus en plus nauséabond et diabolique et qu’il conduise à de regrettables débordements. 

Guy Nang-Bekale : Eh oui ! Tu sais bien que le peuple vit une tragédie qui lui est imposée depuis plus d’un demi-siècle par un groupe de compatriotes cyniques et avides de puissance. Croupi dans la pauvreté, l’indifférence et la détresse, le peuple subit ce joug par ignorance et par peur. 

Plus aucune de ses composantes sociales ne prend la responsabilité de faire face à l’ignominie et à la misère généralisées. 

Pour les jeunes, adultes et vieux, tout se passe comme si, dans une méprise totale, l’on privilégie la bêtise et l’éphémère supplante le durable…Cher frère et ami,  désormais l’étranger est roi et le gabonais serf dans son pays. C’est une honte ! S’il en est ainsi, c’est par ce qu’une minorité des gabonais l’a voulu.

JeanChrist Mbina : Guy, quelle misère ! On parle de plus en plus de corruption, de crimes rituels, d’homosexualité, du manque de patriotisme et de sens du discernement… Face à ces répugnantes pratiques « Que  Faire  » comme dirait Vladimir Ilitch Oulianov Lénine ? 

Depuis la nuit des temps, c’est toujours le même scénario : d’un côté, les puissants tueurs, et de l’autre, les hommes d’amour immolés. 

Dois-je te faire l’injure de te rappeler ce qui est arrivé à un jeune homme du passé, âgé  d’un peu plus d’une trentaine d’années, qui voulait transformer, par la parole et le geste, les mentalités et les pratiques ignobles du Pouvoir politique des puissantes autorités religieuses et royales de son époque? 

Le sort qu’il a connu est celui qui est réservé à tous les Êtres de cœur et d’intelligence de toutes les époques et de tous les pays : la mort. 

Grand, le Nom de celui dont mon prénom porte la particule a donné un sens spécial à la mort des martyrs et des honnêtes gens. 

Guy Nang-Bekale : Oui JeanChrist, un jour sera où malheureusement notre humanité, se souvenant de Talion, exhumera sa loi. En ces temps-là, l’homme appliquera à nouveau le « qui tue doit être tué » ; il recourra à sieur Guillotine

La présence de Talion et Guillotine dans une même société  à notre « époque moderne », est traductrice de la dégénérescence de celle-ci et de tout Etat ; en particulier des Etats qui se réclament de la République en s’auto qualifiant de Droit. 

Le droit, la justice et le bien collectif n’existent plus quand les criminels, les assassins et les voyous, dont les noms et les actes connus de tous,  côtoient quotidiennement les simples et honnêtes gens ; leur serrent la main, leur sourient en les spoliant impunément ; tout en paradant en toute tranquillité à travers le monde. 

JeanChrist Mbina : Mon cher frère, n’y a t-il pas de solution adaptée et consensuelle à cette humiliation qui perdure et dont aucune fraction du peuple ne trouve la sortie ? 

Souviens-toi, jeunes, nous avons lu un ouvrage dont un passage disait que « seuls les renégats à toutes les idéologies et à toutes les humiliations, à aucun pouvoir ne se rebellent »

La révolte, la rébellion dont il s’agit, c’est la liberté de choisir, de dire, de faire et d’entreprendre ce qui est conforme aux règles et lois sociales applicables à tous. 

Elles partent de la lutte pour le droit à la nourriture jusqu’à la lutte pour l’organisation des élections propres ; c'est-à-dire justes et transparentes. 

Guy ! Quoique vivant loin du Gabon, je lis tes articles qui sont publiés dans le « Mbandja » et portés sur ton blog internet par certains de tes lecteurs. J’ai parcouru les commentaires élogieux et les critiques acerbes des uns et des autres. Que cela ne te décourage point, continue ton œuvre. Un jour, tu seras honoré de la reconnaissance qui est réservée aux hommes qui sont souvent incompris, voire moqués de leur vivant. 

En 1990, après l’assassinat de Joseph Redjambe, tu as pris tes responsabilités en ta qualité de Président du PGP dans l’Ogooué Maritime. Tu avais invité la population à exprimer sa colère, son indignation et du mépris pour ces hommes-chiens qui ont perdu le sens de la compassion et qui ont jeté leur humanité aux chiottes. 

Tu as été torturé, emprisonné, appauvri et relégué au rang de paria par une plate aristocratie de pouvoir et d’argent qui a perverti et ruiné le pays et ses habitants par ses comportements de satrapes aux appétits sans limites. 

Aujourd’hui, certains osent affirmer que tu es corrompu et que tu as profité du  régime PDG-Bongo. Pauvre Gabon, mon pays ! 

Pourquoi ton peuple ne parvient pas à faire la distinction entre la race des bandits notoirement connus et le petit nombre de patriotes qui souffrent de ne pas pouvoir manifester à ce peuple leur amour. 

Il me revient qu’à 18 ans, nous avons passé les vacances au Lac Azingo, à Nfangja, chez Mie Nzeng dans le Moyen-Ogooué. Nous marchions sur le chemin caillouteux qui mène au fond de la languette de terre sablonneuse, à l’ombre du feuillage d’un gros arbre, nous nous sommes assis et, de mon tréfonds sont sortis des sanglots, des larmes et des cris incontrôlés et incontrôlables. Le choc a duré plusieurs minutes. Puis, tu m’as dit : « Pourquoi pleures-tu JeanChrist ? Je t’ai répondu qu’une lueur est sortie des nuées et s’était posée sur le feuillage touffu et luxuriant de l’arbre en prenant la forme d’un cœur. Nous nous sommes alors tenus par les yeux et tu m’as dit « Jean, c’est peut-être ton Christ qui t’a fait voir cela »…Puis nous avons pleuré, prié et chanté. 

Guy Nang-Bekale : Oui, il m’en souvient. Je confesse qu’il m’arrive de voir cloué sur la croix, non pas un Christ de race blanche, mais un Christ noir d’ébène à notre ressemblance. 

Frérot, nous sommes tous des Christ ! C’est cela que tous les hommes de toutes les races du monde ont en  partage pour l’éternité.  Seuls les hommes au cœur pur et tendre peuvent accéder à ce type de mystère que certains nomment hallucination. 

Pour ma part et pour cause, je sais que tu as eu cette vision. La couleur de la peau est insignifiante, le racisme est un parfait produit de l’ignorance et de la bêtise. Dehors les racistes ! 

JeanChrist Mbina : Morah ! C’était ton surnom quand nous étions gamins. Pour avoir choisi le camp du peuple, tu as perdu les privilèges attachés au  mode de vie qui est réservé aux citoyens qui ont, comme toi, des références et une formation pour prétendre à une existence calme, tranquille et vertueuse. Qu’à cela ne tienne, tu es pour moi une valeur et une référence et tu le demeureras tant que nous vivrons. 

J’ai beaucoup appris de toi. Tu m’as fais comprendre que la trahison, l’injustice, l’insolence, le mensonge et tout ce qui y ressemble est le lot des gens égoïstes et méprisables, qu’il faut s’en tenir à la morale, à la grandeur et à la noblesse qui font accepter la mort, sous toutes ses formes, à ceux qui ont un sens très élevé de la Liberté. Qu’elle vienne des assassins ou de la nature. 

Grand frère, je t’aime et je t’admire par ce que tu n’as jamais cessé d’aimer ton prochain, ni de t’émouvoir devant la misère, l’injustice et la connerie en général ; par ce que tu sais pleurer et tu sais rire… Parce que tu as de l’humour et il y a de l’auguste dans ton comportement. Ce sont là, des valeurs que l’on ne trouve plus chez nombreux de nos compatriotes qui,  par leur propension effrénée à l’enrichissement rapide et facile, appauvrissent le peuple et se placent inconsciemment sous le dictat du diable. 

Tu m’as souvent dit que malheur à ceux qui blasphèment l’intelligence, l’amour, la vérité et la justice. 

Guy Nang-Bekale : En vérité JeanChrist, il n’y a que les niais et les impies qui sont capables des formes de laideurs dont tu parles. 

Celui qui n’a jamais commis de bêtise, qui n’a pas connu des moments de révoltes et de rêves, qui n’a jamais été idéaliste en préconisant le bonheur des pauvres par les prélèvements sur la fortune des riches ; qui n’a jamais été fasciné devant les exploits courageux des justes, qui n’a jamais ressenti des déchirures intérieures… 

Celui qui n’a pas vécu certaines de ces choses dans sa jeunesse ou au cours de sa vie, ne sera qu’un individu misérable, vantard, prétentieux et idiot. 

Autour de nous et à travers le monde on rencontre cette engeance qui, du reste, est en perpétuelle croissance. Des imposteurs et parjures qui changent de logique au gré de leurs intérêts qu’ils font passer pour ceux des peuples. 

JeanChrist Mbina : Cher aîné ! Tu as souffert jeune, pour avoir été juste et audacieux. 

Mais aujourd’hui, combien de jeunes sont capables d’audace et de témérité pour magnifier leur jeunesse et la rendre glorieuse ? 

Les adultes parlent aux jeunes des problèmes des jeunes sans leur avoir dit ce qu’à été leur propre jeunesse. Ils parlent  des conditions de vie des jeunes sans leur avoir raconté ce qui a donné du sens à leur jeunesse… 
Après cela, les adultes dissertent sur le conflit des générations sans dire de quelles générations il est question. 

Quand nous étions universitaires, souviens-toi  qu’on disait « merde » pour se souhaiter bonne chance aux examens. Est-ce cette merde qui est passée sur nos diplômes au point qu’ils soient méprisés par ceux qui n’en n’ont pas, ou qui n’ont que des faux parchemins. 

Les adeptes de la facilité et de la paresse n’ont jamais eu de considération pour les partisans de l’effort et du travail. 

Guy Nang-Bekale : Observe que dès 1990, tous ceux qui se sont engagés dans  l’opposition et le changement ont gaspillé beaucoup d’efforts et fait d’énormes sacrifices pour des résultats insignifiants. Ils ont été dédaigneusement qualifiés de moutons égarés, d’aigris et de fous par les stipendiés du régime PDG-Rénovation dont certains se réclament aujourd’hui de l’opposition… 

Elle a du bon l’opposition ! Tard vaut mieux que jamais ! La mort d’Omar Bongo est en train de donner naissance à un « PDG nouveau » ; où les anciens « rénovateurs », « appellistes » et autres « caciques » se retrouvent au nom du patriotisme qui nous guide et nous unis. 

C’est par la faute des pédégistes et des bongoistes que le PDG se liquéfie en enfantant une opposition de type nouveau, robuste et déterminée, qui pourrait conduire à l’alternance. 

Patriotes sincères, traîtres et fieffés opportunistes s’y engouffrent allègrement. 
  
JeanChrist Mbina : Guy ! Au nom de quoi un opposant officiel à un régime politique peut-il être traité de voyou, de voleur, de criminel ? 

J’affirme que c’est pour ses idées, ses convictions, ses actes, ses pratiques et son comportement social que tout homme doit être qualifié et justifié. 

Jusqu’à ce jour, je me pose la question de savoir pourquoi on te fait passer pour un persiflé, un méchant, un extrémiste jusqu’auboutiste. 

J’espère qu’un jour, tu parleras aux gabonais pour leur dire ta part de vérité sur toi et sur ce qui a été baptisé « les évènements de 1990 à Port-Gentil ».  

Guy Nang-Bekale : Je crois t’avoir déjà dit frérot, que je me suis intimement lié d’amitié avec la Liberté, la Justice et la Vérité au point que nous sommes unis par une vive et inaltérable complicité. 

Au crépuscule d’une vie, toute créature humaine doit se tourner, malgré les fatigues nées du poids des ans et de rudes épreuves, vers son créateur pour se rattacher à lui comme il l’a été avec sa mère, par le cordon ombilicale jusqu’à sa naissance. 

JeanChrist à l’approche de la mort, de l’ultime jour, l’homme cherche à se lier à Dieu par un cordon nouveau qui a été appelé « Religion » par les anciens savants ; et que le postérieur troupeau d’imbéciles a transformé en une corvée, une pratique contraignante faite d’obligations, d’interdits, d’adorations hypocrites et d’achat de bonheur pour accéder à l’éternité. 

C’est en vieillissant sous l’effet du soleil, de la pluie, du vent, des souffrances, des joies et de nos diverses activités terrestres que nous allons vers Dieu avec pour devoir de le manifester, de le magnifier et de le transmettre aux plus jeunes. 

Heureux l’homme qui vieillit et meurt sans souffrance, sans avoir été grabataire et en prophétisant.

JeanChrist Mbina : Effectivement, un demi-siècle de vie ou plus transforme l’homme et le projette hors de la terre et de lui-même. 

Combien d’humains ont compris que le vieillissement porte  la déification et conduit à la divinité. 

Il me semble que tout comme la racine est à la plante, l’Homme est à Dieu. 

Guy Nang-Bekale : Ne dis pas « il me semble ». Affirmes-le, parce que c’est cela qui est ! 

Rappelle toi les paroles répétées à chaque eucharistie par les serviteurs homologués de la religion ouverte : « l’Esprit Saint fait de nous une Eternelle Offrande à la Gloire de Dieu »

Ces paroles contiennent une vérité sublime et infinie. Dieu est pour les vivants et les morts. 

Tu as sûrement constaté que les hommes ne parlent de Dieu et du diable que de leur vivant. Au jour de deuil, dans les homélies, on remet tout ce qu’un défunt a fait, non pas au diable, mais à Dieu. On ne parle plus du diable qui meurt en même temps que l’homme qui l’a porté durant toute sa vie, tandis que Dieu demeure à la fois parmi les vivants et avec celui qui quitte le monde. 

L’homme meurt emportant le diable avec lui. Il ressuscite pour l’éternité en portant Dieu en lui.

JeanChrist Mbina, c’est ça la magie de la foi !

22 mars 2015

A L'ABBE NOEL NGWA NGUEMA, A MON ONCLE BIEN AIME : PAR AMOUR, RESPECT ET ADMIRATION.


Tous nos aînés, prestigieux fils de Nguema nés au Gabon, ont eu une vie qui fait de leur séjour terrestre une tragédie au goût inachevé. Par leur formation et leur expérience professionnelle, soutenues par un excellent cursus scolaire, universitaire, et intellectuel ; chacun d’eux aurait, peu ou prou, légitimement prétendre jouer un rôle majeur dans l’organisation et le développement du Gabon, ce minuscule pays. Chacun d’eux pouvait prétendre accéder au sommet de l’Etat pour le gérer au nom et au profit du peuple. Ils ont connu le sort de ceux qui sont en avance sur leur temps, sort  fait de douleur, d’inquisition, d’incompréhension, d’indifférence et de solitude…S’il en est ainsi, c’est que Dieu l’a voulu.
    
Germain Mba Nguema assassiné, Jean Pierre Nzoghe Nguema emprisonné, humilié et torturé ; Marc Nan Nguema menotté, humilié et emprisonné ; Noêl Ngwa Nguema emprisonné, humilié  et sauvagement torturé. Presque tous sont décédés dans le silence malgré la violence de leur mort. 

De ces valeureux fils de Nguema, il reste en vie un seul qui a également été emprisonné, humilié : c’est Jean Marc Ekoh Nguema qui a été moqué depuis l’âge adulte jusqu’au crépuscule de sa vie par des gens sans moralité et irrespectueux de nos valeurs, mœurs, us et coutumes. Les jeunes doivent honorer et assister les Etres vieillissants en phase de partance.

Que s’est-il passé dans le passé pour que la malédiction frappe ces talentueux citoyens gabonais, ressortissants de la Famille de Nguema ? Bien formés, et techniquement qualifiés, ils n’ont point joué un rôle à la hauteur de leur charisme, de leur compétence et de leur engagement politique courageux en faveur du camp des démunis.

Quand meurt un homme, la multitude qui reste en vie le couvre d’éloges. Au Gabon, l’amitié, la fraternité et  l’amour,  qui sont enseignés et prônés dans tous les lieux ésotériques qui se veulent sains, ont laissé place à la haine, au mépris et à la moquerie. 

Nos valeurs ancestrales, en se mélangeant à celles qui ont été transplantées dans notre société par importation, ont perdu toute leur saveur. Les religions, particulièrement la catholique qui est la plus pratiquée au Gabon, ont assené des coups mortels à nos lieux saints ancestraux. Le métissage et le syncrétisme qui s’en sont dégagés ont, non seulement édulcoré leur teneur, mais en plus, ont transformé les gabonais, devenus poltrons et rendus plus malléables et peu audacieux. Dans cet embrouillamini général, quelques rares  compatriotes ont gardé leur dignité intacte ou presque. Parmi cette noble « oligarchie » morale et spirituelle se trouvent quelques uns de ma parenté : ces Nguema, dont j’ai toujours été fier et qui ont servi et qui serviront d’exemple et de guide à certains jeunes, comme le Christ l’est pour beaucoup depuis des générations. 

Porté par les premiers prêtres blancs venus de l’occident, l’homme noir africain, toujours abusivement hospitalier, a accueilli le Christ comme sauveur. Nos ancêtres, dans les temps anciens, après avoir donné leurs meilleurs fils aux esclavagistes négriers qui les conduisaient hors de l’Afrique pour des travaux corvéables mortels ; ont, dans les temps dits modernes, donné à l’église de Christ leurs fils, souvent premiers nés et le « bagage à mains » indispensable; dégarnissant ainsi la famille de ce qui incarnait sa divinité. Dans la Province du Moyen Ogooué, des familles miéné et fang ont poussé leurs enfants, souvent les meilleurs, à la profession religieuse dans les milieux protestants et  catholiques. 

Marc Saturnin Nan Nguema a échappé à la prêtrise après des rudes palabres entre ses clans maternel et paternel. Pour l’écarter de la voie sacerdotale il fut orienté vers l’éducation et la formation scolaires officielles traditionnelles. Ma naissance tardive et la généralisation de l’enseignement scolaire laïc m’ont soustraie de la voie des ordres. Malgré cela, il est resté gravé en nous un tenace sentiment religieux christique.

Noêl Aimé (je découvre ce second prénom qui est parmi les plus beaux prénoms français) Ngwa Nguema, notre oncle et ainé, est entré dans le monde ecclésiastique un peu comme « par défaut ». Chez les vrais fang d’antan, qui ne se laissaient pas embobiner par les dieux étrangers, une pièce rare comme Noël ne devait jamais sortir de sa famille. L’homme qui quitte sa famille naturelle d’origine,  pour une autre, sera toujours et  pour le reste de son existence un fils adoptif qui ne connaitra jamais toute l’histoire de sa famille d’adoption. Quand le fang qui opte  pour le service de l’église fait les vœux qui lui sont imposés, il ne sait pas à cet instant de sa vie, que l’avenir lui réserve un retour à la normativité qui le conduira à affronter des épreuves qui seront parfois en contradiction avec ses engagements sacerdotaux. Certes, les exégètes bibliques de l’idéologie christique ont retenu la confession comme moyen de se régénérer moralement et spirituellement après avoir péché ; cependant, la pratique du péché n’est pas éradiquée par l’aveu de la faute; sinon, tous les chrétiens fidèles adeptes et serviteurs de Christ n’auraient point de péchés.

Cher oncle, nos discussions sur la tradition fang, sur la profession de prêtre exercée par un fang me reviennent à la mémoire et me poussent à dire que Prêtre, tu t’étais condamné à assumer ton engagement religieux ; en gérant la chair et l’esprit, le corps et le sang de Jésus, le Possédé et l’Acquis. 

J’ai assisté à certaines de tes célébrations. J’en conclue aujourd’hui que c’est lorsque, de soutane vêtu, tu officiais à l’autel pour la célébration de l’eucharistie, droit tel une plante d’hysope, que tu étais vraiment  prêtre et christ totalement transfiguré en serviteur des Dieux. Sitôt ton soutane tombée, tu redevenais un citoyen qui avait des obligations sociales et humaines, et des droits en matière de justice, de liberté et de vérité ; exigeant pour les hommes et les femmes de ton temps des conditions  de vie collective convenables; en particulier pour ceux qui sont dans la douleur. Heureux les serviteurs de Dieu qui, face à la misère du peuple, ressentent de la douleur et dénoncent  l’oppression des pouvoirs autocratiques ; heureux et dignes sont-ils en réclamant la justice et le bonheur pour la multitude en sachant, par avance, qu’au bout se trouve la mort.

Lors de l’une de tes célébrations, tu parlais dans une homélie, avec ironie, de l’épisode du peuple d’Israël qui avait été esclave pendant 40 ans en Egypte, et qui, sous la conduite de Moise sortit de cet esclavage. Arrivé dans le désert, il eût faim et s’en prît violemment à Moïse. Israël reprochait à Moïse de l’avoir sorti du pays où il recevait une portion de nourriture, ration quotidienne, malgré les souffrances et les humiliations de leurs geôliers. Par ce qu’il avait faim, disais-tu, le « Peuple mis à part par Dieu » oublia subitement la rudesse de ses conditions de détention en Egypte, et y retourna en pensée, en souvenir …Oui, la faim ramenait le peuple de Dieu en prison. Ainsi va l’humanité. 

Oncle ! C’est par amour, respect, admiration et reconnaissance pour toi que j’ai décidé d’écrire ces lignes pour ne pas te laisser partir sans mots dire.

Ta mort a démontré que l’église catholique a perdu la pratique d’enterrer les prêtres à proximité de la paroisse où ils ont servi des années durant. L’église de Nzeng Ayong et toutes ses structures annexes sont ton œuvre. De ton vivant, tu avais clairement exprimé à tes parents et à tes confrères de l’église ta volonté d’y être enterré. Nombreux gabonais et gabonaises, civils et religieux peuvent en témoigner ; l’Archevêque y compris. La décision de t’inhumer à Saint-Jean a surpris plus d’un observateur ; moi aussi. Qu’est ce que ça aurait été juste et bon de te poster dans l’enceinte de « l’Eglise de l’Abbé Noël Ngwa de Nzeng-Ayong ». Cette décision est perçue comme une injustice qui déshérite  et déshonore   un « prélat »  qui a tout mis en œuvre pour donner aux Êtres pieux un lieu de rassemblement. Elle m’a fait écrire quelque part que : « La haine, fidèle compagne de l’Amour, portée par tes confrères et les tiers, t’a suivi jusqu’au tombeau…. » 

Mon Oncle, désormais tu es pour l’éternité en compagnie des nôtres, avec pour proches voisins, les autres adeptes amis du Christ….Et tu nous attends.