19 nov. 2012

LES VALEURS FRANCOPHONES ET L’ALTERNANCE PATRIARCO-FILIALE AFRICAINE


Triste est le sort des peuples noirs, anciennes colonies de la France, qui n’ont pas voulu ou su s’approprier l’alternance, pratique démocratique majeure qui, si elle est intégrée dans l’organisation de leurs sociétés, aurait pu les rapprocher davantage positivement des valeurs de la civilisation universelle, qui est l’œuvre historique commune de tous les peuple de la planète, et les aurait décomplexé vis-à-vis de leurs anciens Maitres. 

La non insertion des valeurs, tels : la liberté, les droits humains, la justice et la concertation dans la structuration des Etats post-coloniaux a donné à certains chefs noirs une laide image qui suscite, à leur égard, de la part de leurs homologues : moquerie, inconsidération voire du mépris. Il existe, certes, des limites plus ou moins importantes à la gouvernance de chaque Etat du monde. Toutefois, ces limites prennent un caractère particulièrement grossier et misérable sous le soleil tropical… Non, Messieurs! La misère n’est, ni plus supportable, ni moins pénible au soleil.


Le Sommet de la Francophonie qui vient de se tenir en RDC a permis de constater que le monde francophone est marqué par l’hypocrisie et un profond malaise. Il y a, entre les chefs  d’Etats francophones occidentaux et africains, un véritable climat de méfiance, particulièrement depuis l’élection du Président F. Hollande en France. Seulement la moitié des membres de cette communauté a fait le déplacement de  Kinshasa.  Les rapports  entre les pouvoirs des chefs d’Etat africains francophones et les chefs d’Etat français de Droite ont toujours reposé sur de connivences et intimistes relations très personnalisées qui se trouvent mis à mal avec l’arrivée à la direction de la France d’une personnalité de Gauche. 

L’affirmation des principes et des valeurs relatives aux droits de l’homme, à la gouvernance et à la Démocratie résonne pour certains comme une attaque personnalisée ou comme une menace de révélation des secrets, des manigances ou des pratiques ignobles de leur régime politique. Dans certains pays francophones, l’accession au pouvoir d’Etat, des personnalités de plus en plus jeunes, succédant à leur père, comme en RD Congo, au Togo et au Gabon s’est faite, avec l’appui et la complicité de la Droite française, dont Nicolas Sarkozy a été le dernier digne représentant. Il importait peu que  les élections fussent entachées de fraude ou pas. 

Parmi ces pays francophones, le seul où l’installation d’un rejeton de Président à la direction d’un Etat a échoué, c’est le Sénégal. Wade a échoué, non point parce qu’il n’avait pas un tel plan, mais, parce qu’il était lui-même encore en vie. De ce fait, il constituait un obstacle pour la mise en œuvre de l’élévation de son fils au pouvoir. De plus, le peuple sénégalais est suffisamment politisé, cultivé, patriote et déterminé. Il a une longue pratique démocratique qui a aiguisé son sens de discernement et qui lui permet d’imposer son libre choix aux forces anti démocratiques. Il sait se faire respecter et imposer sa volonté. Dans le cas des successions parento-filiales réussies, il a d’abord fallu constater la vacance de la fonction présidentielle, suite à la mort du « Père Président ». Ce fut le cas de Kabila en RDC, d’Eyadema au Togo et de Bongo au Gabon. La pratique de la succession monarchique dans un Etat qui se réclame de la République et de la Démocratie, met en lumière les attitudes rétrogrades des individus qui l’appliquent. Elle fragilise la cohésion sociale et crée un contexte de crise qui réveille les plus vils sentiments qui, par périodes, ramènent à l’animalité les hommes d’Etat, tout comme les simples citoyens. 

La succession de type patriarco-filio-familiale au sommet des Etats républicains africains doit être combattue partout et toujours par tous les patriotes et tous les démocrates soucieux de l’intégration de leur pays dans le groupe des nations respectées et honorées de la planète. Les valeurs qui régissent les  sociétés dites modernes ou civilisées n’ont, ni race, ni ethnie, ni forme. Elles sont universelles et disponibles pour l’ensemble des habitants du monde. 

Dans l’espace francophone où le français est la langue officielle et de travail depuis des siècles, l’adhésion à ces valeurs et  leur appropriation, par les dirigeants des Etats et les peuples, doivent être insérées, comme une composante majeure, dans leur programme de développement humain et de progrès social. Montées sur des supports forts, ces valeurs ne sont pas périssables. Si elles le sont devenues, au fil des générations et par endroit, c’est uniquement parce qu’elles ont été montées sur des supports fragiles et confrontées à l’intraitable et destructible loi du temps. 

Les deux principaux supports de ces valeurs sont les hommes et les Institutions qu’ils créent pour une organisation rationnelle de la société et une vie communautaire harmonieuse. La Liberté est la mère des valeurs. En elle se retrouvent tous les nobles et vertueux principes, les idées, les interdits et les obligations que les Lois stipulent. Elle s’intègre la morale qui alimente la conscience de l’homme social : le citoyen. 

Dans l’espace francophone, les valeurs indigènes locales et celles qui ont été héritées du colonisateur occidental s’étiolent et sont reléguées au rang des ordures. Le respect du droit d’ainesse, de l’autorité reconnue au Chef, le sens de l’hospitalité, le respect de la vie, la fraternité et l’amitié si chers à nos traditions sont moqués. Comment alors comprendre que lors de la rencontre qui vient de se tenir en RDCongo, un honorable invité  qui y prenait part pour la première fois a été reçu, non par le Chef suprême du pays, mais par son suivant ? 

A Dakar, le Président François Hollande a été accueilli par le Président Maky Sall, en RDC, c’est le Premier Ministre qui l’attendait à son arrivée. Signe des temps, le remplaçant de Sarkozy doit comprendre que les sentiments de certains Chefs africains, à son égard, sont moins cordiaux et moins chaleureux qu’ils ne l’étaient avec son prédécesseur. 

Les messages contenus dans les comportements, les attitudes et les prises de position de ces Chefs ne sont pas de nature à renforcer ou à améliorer les relations diplomatiques et de coopération avec la France socialiste. L’affirmation des valeurs par le Président français est considérée par les « mal élus africains» aux pouvoirs mal acquis (PMA) comme une remise en cause de la  légitimité de leur régime et de la légalité de leur pouvoir. 

Quels pays, quels hommes politiques mieux que ceux de France, savent ce qui se passe dans nos Etats ; en particulier en matière d’élection présidentielle ? 

Hollande sait comment certains politiciens arrivent à la direction de leur Etat. Il connait la nature de relations tissées entre la Droite française et les Chefs noirs, il sait aussi ce que les Chefs noirs pensent de son insistance sur le respect des valeurs et des processus démocratiques chez eux. 

Les trois Présidents qui ont succédé à leur père ont des difficultés pour convaincre leur peuple de leur légalité et de leur légitimité. Tous leurs discours, leurs gestes et leurs actes ne suffiront jamais à conquérir la totale acceptation et l’adhésion franche des populations à leur personne et à leur politique. 

La longévité de leurs prédécesseurs de Père, leur mauvaise élection, leurs attitudes et leurs choix économiques, politiques financiers et des hommes n’arrivent pas à provoquer une vaste mobilisation populaire autour de leurs actions et projets. Puisque le français est notre langue officielle, le Gabon se trouve dans l’obligation d’insérer les valeurs de celle-ci ; à savoir : Liberté, République, Démocratie, Droits ; dans sa pratique et son évolution politique, en attendant que l’anglais soit érigée en langue seconde…

Malgré le mauvais traitement de la colonisation, nous sommes francophones et le resterons pendant longtemps, tant qu’un parler, parlé par tous, ne sortira pas du sein de notre peuple. Nos langues vernaculaires doivent être considérées comme des valeurs de référence pour la fraction des nationaux qui savent encore les parler. Le parler du français ne doit pas seulement s’intensifier, il doit aussi être amélioré  et revalorisé dans toutes les couches de la population. La majorité de nos enfants débutent leurs études en français. 

La philosophie, la sociologie, la biologie, la médecine, la physique, les mathématiques, l’électronique, la chimie et toutes les disciplines scientifiques modernes sont dispensées en français. En politique, les discours, les causeries, les débats, les projets dits de société sont émis en français quand ils sont adressés à tous nos compatriotes. 

Les « fils à papa » qui ont eu le privilège de séjourner dans les pays anglophones, naturellement, parlent parfaitement l’anglais ; ce qui n’est nullement une  garantie de formation académique valable. En Afrique du nord, au royaume francophone du Maroc, un fils a succédé à son père, conformément aux us et coutumes des régimes monarchiques. La vague de mouvements populaires qui ont emporté les régimes de Lybie, de Tunisie et de l’Egypte a seulement effleuré le pouvoir chérifien, ancré et respectueux de ses pratiques, de ses valeurs et des hommes d’expérience qui sont les dépositaires des valeurs de leurs sanctuaires, et qui constituent la mémoire et les remparts du royaume sans discontinuité depuis des décennies. 

Faire involontairement ou pas l’amalgame entre la Monarchie et la République est un signe qui dénote de la méconnaissance de l’évolution historique de l’humanité par ceux qui sont responsables de la mise en œuvre des règles et des processus démocratiques dans les Etats francophones africains indépendants. Les tricheries électorales, les refus de concertation, de confrontation des idées, des propositions autour des débats politiques citoyens sont autant de rejets des valeurs qui bloquent la société et la confine à la crise. 

Un Etat n’a de valeur que par les hommes et les femmes qui le dirigent et l’incarnent. Tant que les gouvernants noirs ne sortiront pas des archaïques cadres claniques, ethniques, familiaux, amicaux et villageois qui sont par essence marqués par le favoritisme et l’insouciance, les peuples africains ne connaîtront jamais le plaisir que procure la liberté de se donner les atouts et les moyens pour leur développement. Ils seront encore marqués par leur passé colonial. 

Or, tout peuple dont le présent porte les stigmates d’un passé de servitude est condamné à l’immobilisme. Le monde évolue sans lui. 

Quand une société ne manifeste plus les idéaux nécessaires à son épanouissement, elle se place en situation de faiblesse. 

Et, quand les idéaux se meurent, c’est autour de leurs linceuls qu’aiment à venir festoyer les chantres du semblant.

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