14 janv. 2013

GABON : BIENS MAL ACQUIS (BMA) PAR QUI, COMMENT ET POUR QUI ?


Pour aborder en vérité et avec franchise la question des BMA, il ne faut avoir rien à se reprocher. Ainsi, on peut en parler avec détachement : sans passion, sans parti pris, sans contrainte aucune, et sous la dictée de personne. J’ai été pendant dix ans à la Présidence de la République avec le « titre ronflant » de Conseiller Personnel. J’affirme que beaucoup de simples gens, de notables, et de personnalités politiques, gabonais et étrangers, ont bénéficié des donations de « mon frère et Chef,  Omar Bongo Ondimba », dont la qualité et la quantité étaient fonction de la nature de ses relations avec leurs bénéficiaires, de sa propre appréciation de ces relations et de leurs intérêts mutuels et réciproques. Bongo a beaucoup donné et, beaucoup ont reçu de lui. Certes, bien mal acquis ne profite pas, mais égaye pendant quelques temps. Omar n’est plus là, et nombreux stipendiés se plaignent maintenant de ne plus rien obtenir de son successeur Ali Bongo Ondimba.

Que veulent démontrer et quels objectifs visent ceux qui parlent des Biens Mal Acquis (BMA) par certains gabonais qui ont bénéficié des faveurs du système de gouvernance d’Omar Bongo ? 

Faveurs sous la forme des biens directement octroyés aux siens : parents, amis, connaissances et fidèles alliés , faveurs indirectes en les plaçant à de juteux postes aux avantages et aux revenus sur mesure, et faveurs par les deux procédés. Les BMA posent un problème réel et fondamental  qui concerne tous les compartiments de la vie de la nation. Ils touchent au favoritisme, au régionalisme, au tribalisme et à la fidélité à l’égard du pouvoir politique et de ses détenteurs. Ils touchent surtout à l’éthique, à la morale et à la justice sociales. 

Actuellement, quand on parle des BMA, on pense immédiatement au  Président Omar Bongo, à sa famille et à son régime PDG qui a posé les bases et les références politiques, économiques et financières de la « nation gabonaise » sur la période allant de 1968 à 2009. Période au cours de laquelle, on pouvait « faire d’un chien un ministre », et où la constitution des fortunes a été telle, que même l’individu le plus insignifiant pouvait devenir multi millionnaire en un clin d’œil. 

Nous avons été témoins de ce phénomène qui s’est généralisé au Gabon, dès après l’instauration du parti unique PDG. Pas une voix ne s’était élevée pour condamner cette multiplication de nouveaux faux riches. La manière juste, pour traiter le problème des BMA, est d’abord de le poser en terme global et politique. Ainsi, on s’apercevrait qu’il a été institutionnalisé par une caste composée majoritairement d’hommes politiques, et qu’il s’est intégré de nombreuses familles du Gabon. 

Les BMA évoquent plusieurs situations préoccupantes. D’abord la gouvernance des deniers publics, puis la mentalité et la moralité des gouvernants étatiques, et enfin la dignité de l’homme et le respect des valeurs démocratiques qui régulent la vie d’une communauté humaine qui veut se tourner vers le progrès et le développement pour la multitude. 

Le régime PDG d’Omar Bongo a été le catalyseur du phénomène des BMA qui, du reste, n’est que la conséquence et la concrétisation d’un autre phénomène, tout aussi odieux et désastreux pour le développement du pays : c’est l’enrichissement illicite, qui est fait des détournements impunis des fonds publics et de corruption généralisée pratiqués dans les milieux d’affaires et de l’Etat et entre les serviteurs de l’Etat et les agents économiques qui participent à la création de la richesse nationale, à travers les actions et projets dits de développement économique et social. 

Au sein du prestigieux et envié département de l’administration financière de l’Etat, composée des régies financières, un système informatique huilé semble avoir été mis en place, des années durant, par des cadres-gestionnaires, dans le but de soustraire des circuits financiers, sans laisser de traces, de grosses sommes d’argent au profit d’un « noyau de responsables vénaux et solidaires » par le truchement de la gestion du budget de l’Etat.

Au Gabon, tous ceux qui ont été au contact de l’argent public se sont enrichis. Certaines administrations, structures et fonctions ont été longtemps publiquement réputées et notoirement considérées comme l’incarnation des centres d’enrichissement libre, rapide et incontrôlé. Les régies financières et les organismes de gestions des ressources de l’Etat avaient été érigés  (et le sont peut-être encore) en lieux d’enrichissement aisé et silencieux réservés à certains gabonais privilégiés ; remplissant des critères sélectifs subjectifs prédéterminés. 

Qui peut croire que sous le règne d’Omar, toutes les personnes qui ont exercé les fonctions de Premier Ministre, de Ministres du pétrole et des mines, des Eaux et forêts, des Finances, du Plan, des Travaux publics, des Affaires Etrangères, de l’Intérieur, de la Santé, de l’Education nationale etc. ou celles de Trésorier payeur général, de Directeurs généraux des douanes, de la documentation, des impôts, des domaines, du budget, du contrôle financier, de la Dépense (ou comptabilité) publique, des entreprises para publiques, de Commissaire au Plan, de Directeur de la Caisse autonome d’amortissement, de Secrétaire du Comité de privatisation, de conservateur foncier et de directeurs d’Agence, de banque, des  assurances et autres « Fonds » et centres de gestion financière, … n’étaient pas en situation de s’enrichir ? 

La recherche des bénéficiaires et des propriétaires des BMA ne devrait pas seulement porter sur les membres de la famille d’Omar Bongo et les membres de ses gouvernements successifs de 68 à 2009, elle doit s’étendre dans les organismes économiques et financiers, relevant de l’Etat, qui ont été dirigés par les « cadres » qui se sont copieusement enrichis sans bruit, et dont certains font le mort aujourd’hui. Nombreux de ces cadres sont bien plus riches que d’anciens membres du gouvernement. 

Véritable gangrène du Gabon, le processus d’enrichissement facile et rapide, instauré par le régime d’Omar, constituait une composante essentielle de sa gestion politique des personnalités publiques, tant ceux de son camp et que ceux de l’opposition, qui ont reçu inégalement de lui, des biens multiformes et de qualité.

A plusieurs autres gabonais et gabonaises, de tous âges, Omar Bongo a fait des dons en nature et en numéraire : haute fonction imméritée, luxueux villas et immeubles, grosses voitures, des sommes d’argent s’élevant à des centaines de millions de francs permettant d’acquérir d’autres biens.

Cet enrichissement outrancier, qui n’obéissait à aucune loi ou procédure normales d’accumulation, avait franchi nos frontières nationales et s’était retrouvé à l’étranger où il a fabriqué de nombreux nantis dans tous les pays des continents du monde. Si le traitement des BMA a pour but de détecter ceux qui ont bénéficié, peu ou prou, des largesses d’Omar Bongo, alors, nous sommes nombreux à devoir nous expliquer. 

Finalement, dans cette quête, qu’est-ce qui compte ? D’avoir bénéficié d’une faveur de Bongo ou d’avoir bénéficié de ses faveurs au point de s’être enrichi scandaleusement ?

A cette époque, la logique consistait, pour le Chef, à détenir le maximum de biens pour en offrir à qui il voulait. Pour poser objectivement la problématique des BMA, il faut, entre autres, évoquer 5 données fondamentales qui sont : 

1- L’histoire coloniale du Gabon et en particulier le rôle et l’implication de la France de De Gaulle-Foccart dans le montage qui a permis l’arrivée d’Albert Bernard Bongo à la direction du pays en 1968 ; 

2- La configuration du milieu politique de l’époque, caractérisé par le multipartisme, avec une opposition intérieure populaire dirigée par des leaders charismatiques au parfum, hélas, tribaliste et une opposition estudiantine extérieure active regroupant les meilleurs cadres en formation à l’étranger ;

3- La logique qui a conduit à la création du PDG, parti unique, suivie de la disparition des partis de l’opposition ;

4- L’état et le niveau d’exploitation des richesses naturelles du pays et leur influence dans les finances et la politique du nouvel Etat Gabon post colonial et en particulier le très puissant secteur du bois et le très sensible stratégique secteur pétrolier et minier en progression ;  

5- La place et le positionnement des différentes ethnies du pays par rapport au nouveau parti PDG qui s’installait en même temps que le pouvoir politique de Bongo s’enracinait. Deux des trois « grandes ethnies » : Fang et Bapounou occupaient alors l’avant-scène politico-étatique, tandis que les Banzabi n’avaient pas encore pris une place significative dans la structuration de la machine politico-administrative, économique, financière et militaire de l’Etat. C’est ainsi qu’ils vont constituer une réserve socio-démographique au régime naissant et l’intégreront en masse pour le renforcer. Le nouveau étant toujours appelé à se développer et à dominer l’ancien… 

Chemin faisant, l’argent public a été mis au service des opérations politiciennes des gouvernants tandis que les opposants étaient graduellement associés à la gestion de l’Etat. Depuis l’indépendance, la politique gabonaise est marquée par la coexistence, le consensus et les compromis, souvent mal ficelés, entre des camps et partis politiques qui se déclarent opposés. L’argent a eu pour rôle de renforcer ces caractéristiques que le Président Omar Bongo s’est évertué à intégrer dans la « Démocratie Gabonaise moderne ». Ce sont les exigences et les intérêts politiques et personnels qui ont donné corps à l’enrichissement désordonné au Gabon.

Face à la surveillance des mouvements des capitaux par la police financière internationale, les richissimes du monde, ceux de l’Afrique en particulier, se sont obligés à dissimuler leur fortune.

Au Gabon, l’argent a été et est au cœur de la formation des BMA. Il a été, soit conservé en liasses rangées dans de somptueuses villas, soit converti à d’importants avoirs bancaires placés dans les lointains paradis fiscaux.

L’enrichissement illicite s’est fait par les détournements d’argent, la corruption et le favoritisme qui sont à l’origine de la constitution des BMA dont on parle depuis des années, en semant la confusion dans l’entendement des citoyens et en faisant croire que seuls les responsables politiques sont impliqués et concernés par cette pratique.

Au commencement des BMA se trouvent deux viles pratiques politico-financières qui ont été érigées en mode de promotion et de placement professionnels de certains citoyens en situation de rente financière, ce sont le favoritisme d’une part, et de l’autre, le détournement des fonds. 

La véritable sanction, que le peuple doit  infliger à ces satrapes et nervis prédateurs économiques qui se sont copieusement enrichis « sur son dos » est de ne plus leur accorder du crédit, de ne plus leur faire confiance, voire de réclamer une partie. 

Les BMA, c’est l’accaparement et l’appropriation des parts de revenus de la majorité des gabonais par une poignée de privilégiés usurpateurs et détenteurs des pouvoirs politiques, économiques et financiers. 

Que le régime actuel du Président Ali Bongo Ondimba n’accorde les gâteries financières qu’à son entourage immédiat, cela n’est qu’une mince avancée qui ne signifie nullement que cette pratique va disparaitre de si tôt. 

Hommes et femmes, jeunes, adultes et vieux ont bénéficié des faveurs d’Omar quand ils étaient à son contact immédiat. Nul ne sait si Bongo père donnait parce qu’il était bon, gentil et altruiste. Ce qui parait plus vraisemblable c’est qu’il donnait par nécessité politique et surtout, parce que donner lui procurait du plaisir, le réjouissait et constituait pour lui, un acte de domination et de puissance. 

De manière sélective, il donnait à ses amis, à ses collaborateurs, à ses contradicteurs, et même à ses adversaires et, tout naturellement, à sa famille. 

Question : d’où provenait cette énorme masse d’argent dont le « monde entier » a bénéficié et qui était distribué sous multiformes dont celle des mallettes ? 

C’est le lieu d’affirmer qu’Albert Bourgi n’a pas menti, quand il parlait du portage des billets de banque CFA convertis en Euros ou en d’autres devises, au profit d’hommes politiques occidentaux ou africains.

Pour une meilleure conduite de l’investigation ou de l’enquête sur les BMA, il faudrait commencer par lister tous les postes administratifs publics, para publics, voire privés dont l’accession était le fait de nomination par décrets présidentiels. 

Ensuite, au regard de la « géo-politique » instaurée et mise en œuvre sans discontinuité de 1968 à 2009, l’analyse de ce dossier, pour être sérieuse, doit établir, pour les bénéficiaires de ces postes : leur formation, leur parcours professionnel et leur nombre puis, procéder à l’inventaire physique et à l’évaluation financière chiffrée des biens des compatriotes concernés, démarche que l’organisme chargé de l’enrichissement illicite n’arrive pas à initier ou à porter à la connaissance des citoyens. 

Le gabonais averti ne serait pas surpris d’apprendre qu’il y a dans chacune des 9 provinces du pays, des propriétaires de BMA. 

Il se greffe à cette sensible préoccupation des BMA, celle du blanchiment du trop plein d’argent détenu par les milliardaires nationaux. Dans l’impossibilité ou la peur de les placer dans les banques domestiques ou loro, ils les mettent en sécurité dans la pierre et les « bas de laine ». Aussi, voit-on dans Libreville, la construction de grands immeubles abritant souvent des appartements aux coûts si élevés, que le commun des gabonais ne peut les louer. 

Il serait convenable que les riches gabonais se mobilisent pour constituer une organisation de bienfaisance en faveur des démunis, en investissant  leurs surplus d’argent dans les actions sociales : santé et logement en priorité. Il n’est jamais bon et indiqué de remuer la M…e

5 commentaires:

  1. c'est du blabla tout ca monsieur le docteur

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour, je viens de découvrir votre blog, analyses pertinentes, continuez! pahé, auteur gabonais dessinateur de presse et de bd

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. intéressant, captivant, palpitant, passionnant... le mérite reviendra à tous ceux qui, comme le Dr. diront, avec dignité, leurs prouesses pour le GABON à sa descendance.

      Supprimer
    2. Chers compatriotes, merci pour vos encouragements. J'espère pouvoir, avec le temps, avoir une large audience de gabonais apportant des critiques constructives sur mes différents articles afin que le débat démocratique soit ouvert et argumenté. Bien à vous.

      Supprimer
  3. cela demontre a qui be le savait pas que ce monsieur a bien participer et beneficier de ces systeme, pour pouvoir en decortiquer les rouages. Malheureusement quand le bateaux coule peut de personnes ne veulent reconnaitre leurs torts gars a celui qui jetera la premiere pierre. Ils ne suffit pas d'etre un brillant universitaire et par une gymnastique intellectuel nous dire qu'il na pas beneficier de cet manne financiere. le luxe etait trop apreciable a cet epoque pour qu'ils puissent le denoncer a l'epoque ou il en profitait, il y a trop de medecins apres la mort qui chossissent de denoncer les derives d'un systeme apres avoir participer de maniere indirect a la prevarication du pays, n'est pas Mandela qui veut.

    RépondreSupprimer