La quasi totalité des Chefs d’Etat africains ont fait le libre choix de placer leur développement économique et social sous le label de l’émergence. Ainsi baptisée, l’émergence qui n’avait que quelques géniteurs internationaux en compte désormais plusieurs, dont certains parrains, chefs d’Etats africains francophones.
Ce concept qui revient comme une mode est pourtant usité et pratiqué depuis plusieurs années. Parler d’émergence signifie que l’on y a pensé, que l’on y pense et que l’on se compare à ceux qui en sont ; c’est surtout parler de changement.
Vouloir l’émergence, c’est vouloir le progrès. Il y a dans les sociétés du tiers monde africain, une forte demande de bien-être de la part des populations les plus fragiles. L’insatisfaction de cette demande par les gouvernants a provoqué une paupérisation rapide et étendue parmi les habitants. Les multiples réactions violentes qui surviennent à travers le monde et qui prennent, ces derniers temps, des formes extrêmes dans certains pays, sont le résultat de la mauvaise gouvernance, qui est la cause du très fort déficit de satisfaction des besoins basiques des peuples.
Ces besoins ne sont plus qu’alimentaires, ils sont aussi politiques, culturels, spirituels, moraux…
Le face à face entre la mauvaise gouvernance et la pauvreté est à l’origine des crises diverses et variées qui secouent les sociétés en développement.
Quand moins de 2% d’individus détiennent près de 96% de la richesse d’un pays, cela constitue objectivement une bombe à retardement dont l’explosion est contenue par les promesses démagogiques, les paroles de consolation et les programmes fallacieux.
La bonne gouvernance devient ainsi une obligation pour les dirigeants, et un motif de contestation et de remise en question des politiques publiques par les citoyens. Gouvernance rime avec émergence et toutes deux sont porteuses de progrès et connotées d’espoir.
De là, elles sont intimement liées au point que l’une n’est rien sans l’autre. Si la gouvernance était concrètement mise en œuvre, elle faciliterait et aboutirait à l’émergence. A contrario, il faut retenir que la gouvernance, la bonne gouvernance, est une obligation et une composante de l’émergence.
Dans leur permanente quête de développement, les Etats africains sont passés par plusieurs étapes en adoptant des schémas et des montages économiques et financiers fabriqués, pour la plupart, par les experts des riches pays dits développés ou industrialisés et destinés à l’usage des équipes dirigeantes africaines.
Ces offres de progrès, les unes plus mirobolantes que les autres, n’ont eu pour effet que de renforcer l’enrichissement d’un groupe d’étrangers et de nationaux, privilégiés et dominants, qui ont jumelé ces plans économiques avec des plans politiques endogènes consistant à se maintenir à demeure au pouvoir pendant que les masses, toujours miséreuses, incapables d’accéder par elles-mêmes aux richesses du pays, se détournaient et se désolidarisaient de la politique de leur pays.
Au Gabon, les 42 ans d’Omar Bongo Ondimba sont un record qui sera difficile à battre, voire à égaler.
Au début des années 90, au sortir des systèmes de partis uniques qui étaient la principale cause du blocage de l’éclosion et de la promotion de l’initiative privée en Afrique, la poursuite du développement a coexisté avec le démarrage d’une démocratisation politique.
Les plans et schémas de développement concoctés par les pays développés et proposés aux sous-développés avaient des appellations variées : coopération, plan d’ajustement structurel (PAS), partenariat, aide au développement, initiative pays pauvres très endettés (PPTE) etc.
Certains pays, comme le Gabon, optèrent pour le schéma rostowien qui valorisait la notion, non pas « d’émergence économique », mais celle de « décollage économique » qui fut intégrée et insérée dans la phraséologie et le discours politiques, par les intellectuels de l’époque qui voulaient paraître savants.
La preuve a été donnée par l’inapplication du « Libéralisme économique démocratique et concerté » dont la médiocrité des résultats n’avait d’égal que l’allégeance faite au Chef du cartel des riches.
Les africains ont rarement élaboré une « économie politique » fondée sur les réalités locales et appliquée par un groupe de patriotes rigoureux, sérieux, compétents débarrassés de toute envie de s’enrichir rapidement et abondamment. Les offres et les propositions de progrès des personnalités politiques sous la forme de « projet de société » ne traduisent et n’intègrent qu’imparfaitement les grands maux qui retardent et déstabilisent les sociétés noires. Et, quand un projet contient quelques menues solutions aux difficultés réelles en présence, comme le projet « Les Actes pour le Gabon » d’Omar Bongo Ondimba, son exécution est annihilée par la paresse et les détournements des fonds et des objectifs par ses responsables.
Certains projets porteurs de dimension nationale, initiés avec l’appui des partenaires étrangers, n’ont pas débuté ou ont été purement et simplement abandonnés, par ce que des « rétro commissions » n’ont pas été versées à certains cadres ou politiques.
En français facile, émergence signifie l’apparition, la naissance soudaine ou graduelle et progressive d’un phénomène. L’émergence n’est nullement une génération spontanée, qui survient ex nihilo.
L’émergence telle que vécue par les pays qualifiés à ce jour de « émergents » est un parcours long, exigeant, collectif qui nécessite rigueur, méthode, expérience et sérieux. Un peuple ne peut pas émerger en rejetant ses valeurs culturelles fondatrices, en dansant et en festoyant sur un gisement d’or (comme dirait un salaud à P.C. Akendengue) dont la commercialisation doit permettre des entrées de fonds pour le développement de la multitude.
Les pays comme le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine, l’Afrique du sud, la Turquie, l’Arabie Saoudite, l’Indonésie, l’Argentine et le Mexique etc. qu’on qualifierait actuellement de pays émergents, ont mis en place un cadre logique originaire reposant sur des objectifs, des standards, des normes et des critères d’évaluation de l’exécution des actions planifiées.
Espérons que les dirigeants des Etats noirs d’Afrique qui font le choix de l’émergence ont conscience de la mesure et du degré de leur engagement à la fois, vis-à-vis de leurs administrés, vis-à-vis des pays émergents et vis-à-vis des autres pays du monde. Tout comme ils doivent savoir qu’ils ne peuvent continuer leur œuvre que s’ils restent au pouvoir après élection ; aussi, la fixation officielle d’une échéance datée (l'année 2025 au Gabon) pour l’émergence des pays, et son affichage public deviennent des composantes des enjeux de la démocratie, de la transparence électorale, de l’alternance politique et de la bonne gouvernante.
L’imbrication de la démocratie, de la gouvernance et de l’émergence deviendrait source de blocage, si les dirigeants ne se montrent pas sages, réformistes, volontaires et décidés à impulser le progrès social pour les masses populaires nécessiteuses.
Le terme émergence, est sorti du projet politique du candidat Ali Bongo et, il est en train de s’installer pour longtemps (2009-2025 : 16 ans), dans la théorie et le discours politiques officiels du Président Ali et de ses collaborateurs.
L’affirmation et le vœu « de faire du Gabon un pays émergent en 2025 » comme objectif stratégique semblent relever de l’excès de langage et de confiance d’une part, et de l’autre, de la sous évaluation ou de la méconnaissance des avatars dus au processus.
Les préalables, les exigences et les difficultés liés à l’émergence d’une économie sous-développée auxquels se greffe une ferme demande de démocratisation politique du peuple, exigent un consensus et une accalmie sociopolitiques structurels, durables pour le pays.
Certes, on peut noter que l’émergence économique des pays ainsi qualifiés s’est accompagnée des régimes et des Etats forts, presque dictatoriaux ou fascistes, à l’exemple de la Chine, de l’URSS, de l’Afrique du Sud, du Brésil etc ; tout en se démarquant ou en adoptant le libéralisme classique. Pour créer les conditions favorables à l’émergence, l’Etat doit devenir interventionniste en reprenant le contrôle de toute la société : secteurs productifs des richesses nationales…prises de participation aux capitaux des sociétés, création des agences, des entreprises, des banques, des assurances, des fonds ; partenariats avec le privé etc.
Parallèlement, et au risque apparaître tyrannique, il doit réduire ou étouffer la contestation sociale qui émanerait des acteurs politiques, de la société civile et des médias déraisonnablement critiques.
Nulle part au monde, l’émergence ne s’est accommodée avec la liberté d’expression. Elle privilégie l’expansion économique au détriment de la démocratie politique qu’elle rabaisse. Très peu de pays actuellement qualifiés d’émergents ont concomitamment fait la promotion de l’expansion économique et celle des libertés démocratiques. L’émergence est pour ainsi dire, le retour au « tout Etat » ; à l’Etat dominateur. Par conséquent, opter pour l’émergence devient un choix institutionnel et politique ; c’est aussi le choix involontaire d’une véritable réforme de la société pour son progrès, son indépendance économique et sa souveraineté : choix difficile mais louable qui consolide l’indépendance politique ; à condition, répétons-nous, d’être conduit et géré par des patriotes politiquement talentueux, sérieux, compétents, détribalisés et peu corruptibles…
En 2025, le Gabon ne sera pas un pays émergent. Tout au plus, il sera un « pays en voie d’émergence ».
Qu’on l’accepte ou pas, et malgré les maladresses et les abus, la vérité est que, tout ce que font les pouvoirs publics gabonais doit se comprendre comme l’assemblage des conditions optimales indispensables pour la confection des fondations solides pour le progrès futur du Gabon.
In fine, l’émergence est un vaste plan de sortie du sous-développement qui vise à créer un cadre propice pour des activités économiques rentables pour assurer une meilleure évolution du taux de croissance et donc de la richesse du pays.
Un pays du tiers monde ne serait qualifié d’émergent que lorsque chaque secteur d’activité reposera sur des infrastructures spécifiques solides, que le nombre de nécessiteux baissera notoirement et que les besoins vitaux basiques du grand nombre seront satisfaits (santé, logement, emplois, transport, éducation, démocratie).
Pour l’heure, le Président Ali Bongo et les siens manifestent la volonté de positionner le pays sur la voie de l’émergence, en mettant en place des instruments y relatifs, et un contexte sociopolitique conformes au démarrage du processus.
Cette phase préparatoire du positionnement du Gabon sur la ligne de départ en direction de l’émergence, se tisse au moment où d’autres pays de la sous région ont opté pour la même stratégie. De là naîtront des convergences d’intérêts, de vues, de pratiques et des réalisations.
C’est maintenant que ces chefs d’Etat doivent former de solides équipes de travail pour accompagner l’exécution des programmes et des projets qui doivent agréger les différents pans de leur société.
Parmi ces projets se trouve, à court terme, la prochaine élection présidentielle gabonaise de 2016…
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