12 août 2013

DE L'EMISSION DES BONS DE TRESOR PAR L'ETAT GABONAIS DANS LA ZONE CEMAC.

Certes, il est difficile de mobiliser tous ses amis et frères au moment souhaité ; en particulier en cas de difficultés. L’émission de l’emprunt par le Gabon à travers les bons de trésor a mobilisé la majorité des pays membres de la CEMAC, en particulier le Cameroun, très impliqué et dont le dynamisme économique et financier, notoirement connu y est manifeste. 
L’unanimité étant rarement de ce monde, l’absence de la Guinée Equatoriale, dans ce plan gabonais, peut faire l’objet de plusieurs interprétations. C’est notre préoccupation.

Deux prestigieux cadres du Gabon, femme et homme, qui du reste, se connaissent bien, pour avoir valablement travaillé ensemble, Madame le ministre du Budget et Monsieur le ministre de l’Economie, sont « interpellés dans la presse» pour l’opération d’emprunt que l’Etat à lancé sous la forme de bons du trésor. Les deux responsables sont connus pour leur compétence que pour leur sérieux. 

Toutefois, une question se pose : comment et pourquoi en sont-ils arrivés à emprunter des sommes qui représentent peu au regard des données financières, comptables et autres agrégats économiques du pays ? 

Les 2 émissions des bons de trésor, par le Trésor public gabonais, a pour but de se procurer un montant de 25 milliards F CFA liquides, à court terme, disons « à vue », pour le compte de l’Etat. Cette somme est bien en deçà des besoins de règlements des rémunérations, revenus et salaires qui forment la dépense mensuelle répétitive la plus sensible qui grève les finances publiques. 

Examinons ce montage financier à travers les informations officielles les plus simples qui ont été mises à la disposition du public. 

D’abord, le premier Communiqué, daté du 2 Mai 2013 est signé de Luc Oyoubi, Ministre  de l’Economie, et par ordre, du Ministre délégué auprès de Madame le Ministre du Budget qui était certainement absente de Libreville ou empêchée au moment de la signature. Il porte sur 10 milliards de F CFA. 

Quant au communiqué du 16 Mai, paru 14 jours plus tard dans le journal l’Union, il est signé des deux ministres « titulaires » Rose Christiane Ossouka Raponda, Ministre du budget, des comptes publics et de la Fonction Publique et Luc Oyoubi de l’Economie, pour 15 milliards. 

Les communiqués nous informent que ce sont des « bons de trésor assimilables », que les souscriptions se font respectivement auprès de 9 et 10 banques ou établissements de crédits agréés CEMAC dont :  4 camerounais (Afriland first bank, Ecobank Cameroun, Union bank of Cameroun limited et société commerciale de banque au Cameroun),  3 gabonais (BGFI Gabon, BICIG Gabon et Union Gabonaise de banque), 1 congolais (Crédit du Congo) et 1 établissement centrafricain (Ecobank Centrafrique) dans la première annonce. 

Et, l’émission du 16 Mai indique 10 banques dont 5 Camerounaises (+1), 3 gabonaises, 1 congolaise et 1 centrafricaine. 

L’échéance est de 13 semaines et « les intérêts sont précomptés sur la valeur nominale des bons, les intermédiaires étant les banques CEMAC désignées « Spécialistes en Valeur de Trésor : SVT » par le Ministère de l’Economie. 

A n’en pas douter, l’Etat a émis ces bons de trésor pour des besoins conjoncturels de ressources. S’il est dit que les intérêts sont précomptés sur la valeur nominale des bons, en revanche, on ne sait rien du taux d’intérêt retenu pour la rémunération des sommes libérées ou empruntées. C’est dire que ce sont des bons du Trésor à taux fixe, aux intérêts précomptés, donc payés d’avance en fonction de la durée. 

Ce type d’opération est  parfois répétitif et traducteur d’une passagère contraction financière. Le recours à l’emprunt ne signifie nullement que l’Etat est en cessation de paiement ou en faillite. Du reste, même en difficultés de paiement, un Etat réussit toujours à trouver des prêteurs sur les marchés financiers, ou auprès des bailleurs publics. 

Aucun Etat n’a jamais été emprisonné pour n’avoir pas payé ses dettes. La forte implication des institutions financières camerounaises dans ce pool bancaire est la démonstration des relations conviviales qui semblent se tisser graduellement entre ces deux pays qui sont liés par l’histoire, par la proximité géographique et par les échanges commerciaux et autres. 

Indubitablement, le Cameroun est le pays qui peut servir de locomotive à la création d’un espace économique, commercial et financier communautaire intégré pour propulser l’émergence économique de la sous région CEMAC. 

Le couple Cameroun-Gabon qui se forme et s’affirme ne doit pas faire oublier la nécessité de solidarité et la fraternité indispensables au progrès de tous. La Guinée Equatoriale, le Congo et les autres Etats ont leur place dans la construction et la mise en œuvre d’une stratégie de sortie du sous-développement par l’émergence de nos pays. 

Dans cette perspective, aucun pays ne doit afficher une tendance hégémonique, se marginaliser ; ou être écarté du groupe.

C’est à ce niveau que deux faits, aux connotations politiques non négligeables, sont à signaler : d’abord, que le Président gabonais, Ali Bongo est le Président en exercice de la CEMAC ; ensuite, que les banques de deux Etats de la CEMAC, la Guinée Equatoriale d’Obiang Nguema  Mbasogo et le Tchad d’Idris Deby ne sont pas parties prenantes dans la liste des établissements prêteurs retenus pour le montage financier au profit du Gabon. 

Question : pourquoi le Gabon s’obligerait-il à emprunter  25 milliards à court terme ? 

En somme, une opération « immédiate », généralement traductrice, soit d’un urgent besoin de liquidités lié à une tension de trésorerie, soit d’une nécessaire opération politique destinée à jauger et tester la solidarité, le degré d’entente, d’intégration, de mobilisation et d’implication des Etats membres dans les actions concertées de la CEMAC. 

A l’évidence, l’opération comporte trois principaux aspects : le politique, l’économique et le financier. 

Actuellement, le Gabon doit certainement traverser une zone de turbulence financière qui l’incite à s’adresser au secteur bancaire commercial (et pas à la BEAC !?...) de la sous-région. 

A ces observations s’ajoute, au niveau national, l’injonction faite, par le trésor public, aux retraités de présenter un « certificat de vie » au risque de perdre la jouissance de leur pension pendant 3 mois. 

Le communiqué et l’action du gouvernement sont de nature à étonner plus d’un citoyen intéressé par la Nouvelle Economie Politique Gabonaise (NEPG) qui destine le pays à l’Emergence. Cette surprise est d’autant plus grande que les chiffres officiels, s’ils sont véridiques, sont impressionnants. 

Les prévisions budgétaires 2012 de l’Etat gabonais étaient de 2.453,1 milliards de FCFA contre 2.370 en 2011, soit une hausse de 82 milliards de FCFA (+3,4%). 

En 2013, le budget approuvé le 5 Janvier était estimé à 3.141,2 milliards. La surprise tombe quand l’on prend connaissance des données techniques des experts qui disent que :

« Le budget 2013 se caractérise par une augmentation significative (+74%) des dépenses d’investissement, s’inscrivant ainsi dans la stratégie du Gabon émergent rendue publique en décembre dernier. Cette politique volontariste s’accompagne d’un déficit budgétaire (2,3% du PIB) et d’un recours à l’emprunt, les revenus pétroliers du Gabon tendant à diminuer légèrement malgré des cours historiquement élevés… En 2013, les emprunts sont prévus à hauteur de 268,7 milliards liés aux investissements et 240 milliards d’emprunts d’équilibre, dont 100 sous forme d’emprunt obligataire local, 140 sous forme d’emprunt bancaire. Au total 508,7 milliards seraient empruntés en 2013, soit 16% du budget »

Ces perspectives étaient suffisamment explicites pour comprendre le recours à l’emprunt, même de 25 milliards, qui du reste, est d’un niveau très bas au regard des besoins potentiels affichés. 

En économie, et plus spécifiquement dans les opérations de financement des investissements ou de déficit de trésorerie pour le fonctionnement, le recours à l’emprunt-court et peu onéreux traduit le plus souvent, une insuffisance ou un déséquilibre de trésorerie transitoire entre les entrées et les sorties des fonds. 

La grande part des schémas de financement comporte un volet emprunt dont l’importance dépend des disponibilités détenues par le demandeur d’argent. Oyoubi et Ossouka qui sont des économistes chevronnés le savent parfaitement. Et, le fait de communiquer sur l’opération est très louable, courageux et surtout conforme aux bonnes pratiques de gestion de la « chose publique ». 

Tous les pays du monde, qu’ils soient développés ou sous développés ; industrialisés ou émergents sont endettés, parfois même très endettés. Cependant, les pouvoirs publics doivent se soumettre à l’obligation de transparence que dictent la bonne gouvernante et les bonnes pratiques de gestion de l’Etat. 

Les chefs politiques doivent davantage prendre en considération les orientations, les conclusions et les prévisions des experts et rendre compte aux populations des décisions qui engagent durablement leur vie et celle des générations futures. 

Ecoutons les experts financiers : 

« Parmi les dépenses de fonctionnement, les rémunérations occupent toujours la première place, représentant 17% de la dépense publique. De 2012 à 2013 le budget de la fonction publique s’est accru de 19%. La loi de Finances 2013 prévoyait de doter le Fonds Gabonais d’Investissement Stratégique (FGIS) de 144 milliards, alors que celui-ci n’a reçu que 14 en 2012, par rapport à un montant prévu de 276 milliards ». 

Au-delà du fait financier se trouve la donne politique relative à la cohésion, à l’harmonie et à la solidarité dans l’espace CEMAC. 

L’analyse montre que la position objective du Cameroun comme « tête de file » du groupe des prêteurs gabonais ; l’absence du Tchad, et surtout de la Guinée Equatoriale dont l’économie est réputée en pleine croissance et « surliquide » ne peuvent pas ne pas attirer l’attention. Qui ne jugerait pas invraisemblable, voire anormale, même si les raisons sont avérées, que la Guinée Equatoriale ne soit pas présente quand le Gabon fait un appel de fonds destiné à équilibrer une situation de trésorerie ? 

Quand au Tchad, il a de grosses obligations qui semblent l’absorber et le détourner quelque peu de ses voisins CEMAC. Que dire de la RCA qui, malgré la crise contribue au plan gabonais. Signe des temps ? Faut-il entrevoir une brèche dans la Communauté CEMAC du fait de l’absence de 2 membres sur 6 ? 

Bien que tous les Etats ne soient pas à mesure ou disposés à réagir de la même manière, on pourrait en toute logique s’étonner de la forme prise par cette mobilisation autour du Gabon "Emergent". 

Le temps a fait son œuvre, il est désormais loin, l’époque où il existait des bouderies diplomatiques ou protocolaires répétées entre le Gabon et le Cameroun. Présentement, l’axe Yaoundé-Libreville semble être en bon état, et se présente comme porteur d’un noble dessein pour les 2 peuples et d’un avenir prometteur pour tous ceux de la sous-région CEMAC.

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire