26 janv. 2014

DISCOURS DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : CE QUE LE CHEF DE L'ETAT A DIT...CE QU'ON LUI A FAIT DIRE !

Dans aucun pays au monde, un chef suprême ne prend la plume pour rédiger intégralement ses discours. Chaque Chef d’Etat forme un groupe de rédacteurs choisis suivant certains critères dont deux sont essentiels à savoir : la connaissance et la maîtrise de sa pensée et de son programme politique et, la qualité et le bon style rédactionnel des écrivains sélectionnés… 

Les observateurs nationaux et internationaux assidus qui s’intéressent, depuis des années, à la politique gabonaise peuvent constater des différences entre les discours présidentiels du PDG-rénovation et ceux du PDG-émergent. 

Il est vrai que les hommes ne sont plus les mêmes, les niveaux de formation et d’expérience aussi… En comparaison, les nouveaux discours sont moins lourds, peu cohérents et de faible portée…   
« Depuis 2009, notre pays est un vaste chantier pour construire le Gabon émergent…de nombreux projets ont pris corps. Ils ont permis de consolider les fondamentaux Paix, Développement et Partage »
Quatre ans après sa prise du pouvoir, et dans la ligne droite qui mène à la présidentielle de 2016 (qui ne doit être reportée sous aucun prétexte), c’est avec une attention particulière que nous avons pris connaissance de l’allocution adressée par le Chef de l’Etat à son peuple. 

Aussi, nous avons tenu à examiner et à commenter très rapidement, de façon critique, ce que le Président gabonais a dit ou ce que les auteurs de son discours, du 31 décembre 2013, lui ont fait dire à ses compatriotes.

Une fois de plus, le « comité » qui a formalisé et traduit en discours la stratégie politique, économique, financière et sociale d’émergence du Gabon du Chef de l’Etat, a fait une présentation quelconque des projets en « cours d’exécution » y relatifs, qui doivent désormais constituer les supports permanents d’appui et d’accompagnement de ses discours.

Le caractère solennel de cet évènement, qui a lieu deux fois par an (31 décembre et 17 août), n’a été à peine perceptible que dans la restitution dynamique du texte par un orateur qui se voulait convaincant et convaincu. 

Objectivement et malheureusement, une fois encore, l’argumentaire n’a pas été suffisamment robuste. 

A la lecture, on s’aperçoit clairement que le discours présidentiel est mal agencé, il est déséquilibré et composé de paragraphes aux articulations incohérentes. 

On a l’impression que le discours est le produit de quelques rédacteurs et qu’il a été confectionné à partir des parties éparses reliées bout à bout, sans une synthèse logique de l’assemblage de celles-ci. Et pourtant, ce ne sont pas les éléments à mettre en valeur qui manquent aux émergents. Ce qui rabaisse davantage la portée des propos présidentiels, c’est le mode de présentation qui est fait de thèmes disparates, jetés pèle mêle. 

Ces thèmes ne sont pas hiérarchisés et ordonnancés… Et surtout, dans ce mode de communication, certaines données importantes n’y ont pas de place, et peuvent, de ce fait, paraître saugrenues, à l’exemple du « parachutage » des montants des ressources relatives à l’emprunt international et à la dotation du FNAS (700 et 300 milliards). 

Toujours est-il que l’orateur s’est montré serein et décontracté, confiant, sûr et certain que son action donne une impulsion au pays. Nous étions loin de l’image qui se dégageait de lui lors de l’allocution prononcée devant le parlement et le sénat  réunis en congrès, image d’un président nerveux, excité, prêt au combat contre ses contradicteurs. 

Ce changement pourrait s’expliquer par l’autosatisfaction qu’Ali tire des avancées qu’il constate, malgré des retards, dans la mise en œuvre des projets contenus dans « l’avenir en confiance », qu’il a naturellement vanté. 

Quant au contenu, c’est certainement l’un des discours le moins bien argumenté depuis son accession au pouvoir en 2009. Les  thèmes aussi importants que la paix, le dialogue, la biométrie, la solidarité, le patriotisme n’ont été qu’effleurés. Il a parlé de « Paix, Développement et Partage » en les illustrant par  la biométrie : 
« Je me réjouis de ce que la mise en œuvre effective de la biométrie ait été une occasion de consolider notre démocratie ». 
Et le président de la république de remercier les acteurs politiques et les autres instances pour « le bon déroulement d’un scrutin libre et transparent qui contribue à renforcer davantage la crédibilité et le prestige de notre pays ».  

Tout citoyen, celui qui est garant des institutions le premier,  a le droit d’apprécier à sa manière les évènements sociopolitiques du pays. Concernant la biométrie électoraliste, peu de gens en tire satisfaction par le fait que rien n’a changé. L’organisation et la gestion du scrutin par les autorités électorales ont été mauvaises… Les comportements scandaleux de certains candidats qui ont pré-inscrit les citoyens sur les listes électorales et déplacé les électeurs vers leur circonscription pour voter en leur faveur, ont dénaturé la liberté de vote et la véracité des résultats.

La biométrie n’a eu pour effet que de valider la massive fraude électorale organisée par les riches candidats. Si le scrutin pour les locales « contribue à renforcer davantage la crédibilité et le prestige de notre pays », qu’en sera-t-il du scrutin présidentiel ? 

Sans une révision du code électoral, sans une réorganisation juste et impartiale des organes chargés de la conduite des élections, la biométrie ne sera d’aucun apport pour la transparence électorale et le vote ne sera jamais libre au Gabon. 

A terme, la biométrie se transformera en un instrument au service des mêmes forces et acteurs politiques pour assurer leurs victoires électorales, elle accréditera la fraude et annihilera le contentieux post électoral. A l’évidence, il y a encore d’énormes améliorations à apporter dans ce domaine. 

Autre thème important évoqué : les négociations entre le Gouvernement et les partenaires sociaux qui « témoignent de la vitalité de notre dialogue social »

Généralement, le dialogue social (en réalité négociations sociales), met en présence les organisations professionnelles, patronales et syndicales privées ou publiques en cas de conflits. Ces négociations (dialogue) font partie des modalités à mettre en œuvre pour la résolution des crises. 

Au dessus de ce cadre de concertation se trouve le cadre politique qui est, par nature, le lieu où le dialogue prend un tout autre sens. Voir « la vitalité de notre dialogue », même social, dans les négociations gouvernement-partenaires sociaux, est réducteur de cette valeur qui est l’une des composantes de la Paix sociale et de la démocratie. 

Les termes « concertation » ou « négociation» paraissent plus appropriés que « dialogue» qui est plus global et plus conforme aux situations sociopolitiques. 

Dans ce contexte spécifique, Ali a annoncé la création du « Conseil national de l’éducation, de la formation et de la recherche et d’un Compte spécial pour les investissements des formations sanitaires publiques ». 

Puis il a parlé des activités financières et économiques : de l’obtention de 700 milliards F CFA sur le marché financier international, de la possibilité de diversifier l’économie… de la livraison du barrage de Grand Poubara et de la centrale d’Alenakiri, puis il a réaffirmé sa vision par une formule appropriée : 
« Le Gabon est en marche vers l’émergence grâce à une approche cohérente et structurante de notre stratégie. »
En condamnant certaines pratiques, le président a pris le risque de faire passer son discours pour un « catalogue de bonnes intentions », d’« effets d’annonces » ou un « aveu d’échec ». 

Il dit  de la CNAMGS qu’elle canalise d’importantes ressources financières …mais, ajoute-t-il, « j’observe la persistance d’un problème de redistribution des fonds destinés à chaque structure sanitaire » et de préconiser la « création d’un compte spécial (un de plus !) pour les investissements des formations sanitaires publiques… »

Passant à l’important dispositif de solidarité du «  Fonds National d’Aide Sociale : FNAS», qui doit profiter davantage aux foyers économiquement faibles, le Chef de l’Etat parle de reconsidérer « la stratégie de solidarité sociale en déployant une nouvelle politique d’accompagnement de ces foyers »

Il nous a informé que sur les 300 milliards F CFA de crédits budgétaires alloués à l’aide et subventions, « seuls 20% bénéficient réellement aux couches sociales les plus défavorisées »… où vont les 80% restants ? 

Réaction d’Ali : « cela doit changer, et cela va changer en 2014 », que le dispositif officiel d’aide sociale coexiste avec un dispositif plus efficace et plus lisible mis en place par son épouse, autour du FNAS et de la CNAMGS… « pour lutter contre la pauvreté et s’attaquer aux facteurs aggravants de précarité et d’exclusion »…. 

Conclusion normale, « cette assistance de l’Etat aux personnes les moins favorisées ne se fera pas sans conditions » : lesquelles ? 

Il n’en parle pas… mais déclare que ce « principe de l’effort en contrepartie du soutien de l’Etat sera étendu à tous les secteurs…» 

Indubitablement, ce discours est peu convaincant et décevant pour les populations, pour les forces politiques et sociales, en particulier celles qui soutiennent son action ; mais peut-être moins pour les partenaires du Gabon. 

Le discours ne comporte aucun élément positif pouvant susciter l’enthousiasme des couches les plus vulnérables qui sont les plus nombreuses. On retient que des organismes existants seront réorganisés et de nouveaux créés, que les modalités de gestion financière seront rendues plus efficaces, que « des efforts seront demandés aux catégories sociales les plus vulnérables en contrepartie de l’aide sociale de l’Etat »

C’est ici que la politique sociale de l’émergence perd toute sa crédibilité. Quels efforts peuvent fournir les catégories sociales les plus vulnérables ? Quelles catégories sociales peuvent être qualifiées de plus vulnérables au Gabon ? Handicapés, jeunes filles mères célibataires, chômeurs, retraités, grands malades…Ali ne les cite pas et leur demande de faire des efforts pour avoir l’aide sociale de l’Etat : nous sommes dans le donnant-donnant. 

A la fin de son discours, le Président de la République gabonaise a lancé un appel à ses compatriotes. Cet appel contient toute la substance, toute l’essence et traduit l’état d’esprit des « éminences grises de l’émergence » qui participent au quotidien à la mise en œuvre de la nouvelle économie politique du Gabon. 

Cet historique appel aux accents "Omariens" : 
« Une fois encore, une fois de plus, je voudrais réitérer mon appel au patriotisme et inviter chacun au rassemblement devant les défis que l’histoire nous invite à relever ensemble. Je demande à chacune et à chacun de rejeter résolument les critiques primaires et subjectives, la stigmatisation systématique de l’action publique, les dénigrements intempestifs, instinctifs et stériles » 
et d’ajouter que « Les marques de confiance que nous témoigne la communauté internationale doivent nous interpeller et nous rassurer sur la pertinence de nos choix »

Pour terminer, notons que le Chef de l’Etat ne s’est pas prononcé sur : la politique d’accès au logement, la situation globale des finances publiques, le processus de démocratisation du pays et la place de l’opposition dans la vie politique…Les crimes rituels, la sécurité et la protection des biens et des personnes….Vive le 17 Août 2014 et vivement 2016.

1 commentaire:

  1. pourtant l'ex catastrophique minus de la santé est remis à l'éducation! de qui se moque-t-on?

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