22 sept. 2012

LES TEMPS PRESENTS : LA CONFERENCE NATIONALE SOUVERAINE, DE L’EMBARRAS DU POUVOIR A L’ESPOIR DE L’OPPOSITION.


LE DILEMME CORNELIEN DU PRESIDENT A. BONGO ONDIMBA - De mémoire de citoyen, je n’avais jamais entendu un discours politique, à la fois  aussi mal rédigé que mal restitué, que celui du Président de la République devant les Sénateurs et les Députés. Un véritable bafouillage, un salmigondis écrit à la va-vite par de piètres experts mal inspirés, sans expérience politique étatique, sans culture et formation en stratégie et communication politiques et sans soucis pour la forme et le contenu des adresses destinées à la diversité nationale, dans un contexte marqué par une extrême tension socio politique. Quelle était la trame de fonds du discours du Chef de l’Etat ? Un avertissement ? Une mise en garde ou une menace en direction de l’opposition ?  Une invite de la « majorité » à la solidarité et au rassemblement face au péril xénophobe, raciste, tribaliste ? Ou simplement la réaffirmation de l’autorité du chef ? Les experts du palais ont voulu écrire un très bon mauvais discours au Chef de l’Etat. Ils l’ont fait. Mieux, ils ont réussi autre chose : jeter de l’huile au feu et avilir davantage l’autorité et l’image de leur champion.

Marches, discours, déclarations et meetings populaires se suivent d’un camp politique à l’autre. Qui de l’Opposition ou du Pouvoir Emergent (outrageusement qualifié de "majorité"), va parvenir à imposer ses vues et sa volonté sur la tenue-pour l’opposition-et la non tenue- pour le pouvoir, de la Conférence Nationale Souveraine ? 

Et, quelles seraient les probables ou les éventuelles conséquences pour les deux camps ? 

Devant le Congrès, le Chef de l’Etat a dit refuser recevoir et dialoguer avec certains opposants, sans pour autant rejeter la possibilité ou l’éventualité de réunir une Conférence Nationale Souveraine (expression qu’il n’a pas prononcée une seule fois). Ali Bongo Ondimba s’est peut être réservé un temps de réflexion, avant d’accepter et de se soumettre à la volonté du peuple. 

Mais, si le refus l’emporte définitivement, il hypothéquera de facto la légitimité de son pouvoir, voire sa poursuite ; et se trouvera placé devant un dilemme… La période de crise que traverse le pays est susceptible d’un accouchement douloureux. Les principaux acteurs des deux bords politiques, la société civile, le monde des affaires, les confessions religieuses,  les forces armées, les représentations des missions consulaires et diplomatiques, autant que les simples gens, doivent être conscients de la situation pour ne pas être surpris en cas de déflagration sociale subite et destructive.  

Le bras de fer qui oppose le Pouvoir aux forces démocratiques du changement qui veulent la Conférence Nationale Souveraine ne peut avoir que deux issues opposées. 

L’issue que veut le camp présidentiel est la non-tenue de la Conférence Nationale Souveraine et un retour à la normale, si tant est qu’il n’y ait jamais eu de logique et de norme depuis trois années, en priant Dieu pour qu’AMO ne se rétablisse pas physiquement. 

Quant à l’opposition, elle prie Dieu pour qu’AMO recouvre rapidement sa santé,  tout en occupant le terrain pour constituer une force destinée à amoindrir le trop plein de pouvoir du régime de l’émergence et l’amener à accepter l’organisation de la Conf.Nat.Souv.  

Ce bras de fer vient de subir deux impulsions, d’une part, la naissance à Mouila Mangondo de l’Union des Forces du Changement (UFC),  qui travaille à une vaste mobilisation des indignés et des mécontents de l’émergence à travers le pays, d’autre part, le meeting de la « majorité » et surtout le discours du Chef de l’Etat, devant le Senat et l’Assemblée Nationale réunis en Congrès, pour mobiliser les troupes et resserrer les rangs. 

Discours au cours duquel, Ali Bongo et ses hommes ont fait la démonstration de leurs limites en tant qu’hommes politiques et hommes d’Etat. En s’adressant à la fraction institutionnelle des citoyens qui lui sont favorables, et en stigmatisant l’autre, formée d’opposants aigris, sauvages et tribalistes. 

Le Président de la République, Chef de l’Etat a failli à sa mission de garant de l’Unité Nationale !

Dire des opposants qu’ils font preuve « d’aigreur parce qu’ils ne sont plus aux affaires », rejeter d’un revers de main le dialogue et clamer que « je ne dialoguerais pas avec les personnes qui ne respectent pas les Institutions de leur pays… tant que ces personnes commettront des actes d’insécurité, je ne les recevrais pas… », est constitutif d’une lourde faute politique. Le négativisme contenu dans les propos et la gestualité de l’orateur ont trahi son état d’âme. 

Ce discours qu’Ali a qualifié d’« exercice apprécié », a sonné comme une « déclaration de guerre » et révélé une attitude d’autodéfense. 

Les écrivaillons du Chef ont montré leur amateurisme, ils sont tout, sauf une réunion de hautes intelligences structurées et attentionnées. 

Comment peut-on faire tenir à un Chef d’Etat, devant le monde entier, des propos qui sont dignes d’un chef militaire ? 

Le discours présidentiel n’était pas un appel au rassemblement, à l’élévation, à l’apaisement, au patriotisme. Le peuple a eu droit à un discours d’exclusion, de division, de rejet de l’autre, d’agression, assorti d’un relent de revanche et d’une promesse de répression voilée. 

Ce discours mal rédigé relève plus du corporatisme syndical que de la noblesse politique. 

Il a porté sur la défense des intérêts du PDG, et guère sur ceux du pays : Pauvres Hommes ! 

Où sont vos défenseurs, vos experts, vos conseillers et vos idéologues qui ont donné aux gabonais l’occasion de comparer Ali à Omar, son prédécesseur, en les invitant à regretter et à se souvenir de Bongo Père. 

Seule consolation, le discours d’Ali lui a donné l’opportunité de renouer avec les siens, du fait du fossé qui se creusait depuis quelques temps, entre l’équipe de la Présidence et celle du PDG, de plus en plus marginalisée. L’allocution présidentielle n’était finalement qu’un exercice de style. 

Qu’ABO accepte ou pas la tenue de la conférence nationale souveraine, la triste vérité, objective et irréfutable, est que le « mal est fait ». Maintenant et plus qu’au commencement, quelque chose s’est cassé entre le peuple gabonais et Ali, il le sait. Les brisures de cette casse sont d’autant plus graves et importantes qu’elles sont formées non pas des seuls éléments matériels et alimentaires nutritifs et charnels, objets des revendications basiques et subalternes de populations ; mais atteignent le tréfonds de l’Etre gabonais, c’est-à-dire, son honneur, ses croyances, sa conception ancestrale du pouvoir ; sa considération, sa représentation et l’image qu’il se fait d’un Chef. 

La majorité des gabonais n’a plus confiance au régime et à son avenir. 

Ali leur apparait de moins en moins comme Chef, et déçus, ils sont disposés à la désobéissance. Cependant, si par extraordinaire, le Président et ses hommes ont suffisamment de qualités et font montre de talent pour retourner l’adversité sociale et populaire actuelle en leur faveur, alors ils sauveraient, non seulement le mandat en cours de son interruption, mais surtout, ils prendraient une réelle avance et un favorable positionnement pour la présidentielle de 2016. 

Les hâtives tentatives de ces dernières semaines pour lutter contre les prix élevés et le lancement de certaines actions pour consoler les gabonais suffiront-ils à désamorcer la crise sociale qui s’amplifie ? 

Par expérience, l’on sait que la marge de manœuvre, pour rattraper ou redresser valablement une dégradation de la psychologie sociale de cette envergure, est habituellement très faible. 

Face à un tableau aussi sombre qui constitue, sous tous les cieux, un signe avant-coureur de brutaux affrontements à venir en gestation, tout Etat, en guise de solutions, fait spontanément recours aux expédients immédiats. Le Pouvoir de l’Emergence, pour se donner un sursis, doit mobiliser tous ses meilleurs stratèges politiques, pour contrer la furia populaire qui bouillonne et qui avance inexorablement et sûrement. 

Si, comme cela se dessine, le chef suprême des forces armées et les siens font le choix d’un passage en force pour rétablir l’accalmie en rejetant la Conférence aux calendes grecs, ils blesseront profondément les populations en suscitant des contre réactions qui aboutiraient au trépas de nombreuses familles, y compris celles des compatriotes auteurs des violences. 

Devant cette situation, que doit faire le Président Ali pour retrouver la Paix ? 

S’humilier et dialoguer…!

Cependant, que la Conférence Nationale Souveraine ait lieu ou pas, rien ne sera plus jamais comme avant. 

Le dilemme présidentiel, qui est en passe de lui faire perdre la main, s’apparente à celui du héros cornélien qui s’était écrié : des deux côtés, mon mal est infini. 

Mais, comme entre deux maux, on ne peut choisir le moindre, qu’en avalant des couleuvres, il reste au Chef de l’Etat deux honorables options que lui offrent la loi- en excluant la voie de la force qui est anti démocratique et étrangère aux us, coutumes, pratiques et mécanismes républicains. 

La première option, qui lui est la plus favorable, a une conséquence évidente : le partage du pouvoir qu’ABO ne veut pas. Elle porte sur 3 courageuses décisions à prendre dans l’immédiat qui sont de nature à désamorcer la crise, puisque c’est d’elle qu’il est question :

1- Rétablir l’Union Nationale dans toutes ses prérogatives, juridiques, administratives, sociales, humaines et politiques légales.

2- Mettre en place la réforme de la politique électorale et le vote biométriques, afin de réduire la fraude électorale, avec obligation d’évaluation, de contrôle et de vérification de son efficacité à posteriori.

3- Dissoudre l’Assemblée Nationale puis anticiper les élections législatives, locales et sénatoriales. 

Puisqu’il est impensable que l’opposition perde les élections dans les conditions politico-sociales présentes, la priver d’une victoire électorale dans ce contexte serait, du reste, un réel casus belli. 

La conséquence logique serait naturellement la cohabitation légale au sommet des institutions étatiques avec un Gouvernement de l’opposition. Cette option ferait que le Président de la République restera en fonction pendant les 4 années de mandat qui restent pour ouvrir et parvenir à l’alternance en 2016. 

La seconde option est la plus inconfortable pour le Chef de l’Etat. En effet, il s’agirait cette fois, non plus de parler aux représentants du peuple par un monologue, mais de s’adresser directement au peuple lui-même, en lui donnant la parole pour qu’il s’exprime librement et souverainement par référendum sur la question : « le mandat présidentiel doit-il aller à son terme ? »

Peu importe la manière dont la question pourrait être posée, la réponse populaire semble évidente. Le « non » mettrait fin au mandat du Président, et ainsi lui offrirait une sortie par la grande porte. 

Cette analyse faite avec beaucoup de conditionnel n’est nullement une parole d’évangile, sa confirmation dépend de chaque camp, de sa capacité à mobiliser les citoyens, à dialoguer, à défendre les intérêts supérieurs du Gabon et de surcroît à savoir lire les signes du temps. 

La solution idoine reste le dialogue pour que de la discussion jaillisse la lumière. Mais, puisqu’on ne fait pas d’omelette sans casser les œufs, notre souhait est qu’il n’y ait pas trop de dégâts directs et collatéraux. 

Les sages disent : il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre !...  Le vin est tiré, il faut le boire jusqu’à la lie…    

2 commentaires:

  1. votre analyse est assez pertinente mais contient certaine contradictions.
    Quand l'oposition dit qu'elle veut une conference national souveraine de prime abord le mot souveraine n'aurrait pas dut etre ajouter car connaissant les antagonismes en place leur seul volonte est de prendre le pouvoir je ne vois pas un seul chef de l'Etat meme si il n'est pas dictateur de remettre son pouvoir a des gens qui si ont les prenais un par un ne sont pas des label de democratie. Car la majorite des leaders de l'opposition ne sont que des ex membres du PDG qui pense qu'en etant oposant on se devient vierge politiquement car chacun d'entre eux devraient aussi subir le chatiment du jugement et des enquetes sur leur fortunes respectives avant de vouloir parler au nom du peuple.

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  2. La question est de savoir combien de temps encore va durer cette imposture d'Ali. Compte tenu des conditions calamiteuses dans lesquelles il a accédé au pouvoir (élection contestée à un tour, fortes répressions), il aurait dû par lui-même anticiper sur les événements en légitimant son pouvoir par une forme de partage du pouvoir. Or il a fait exactement l'inverse en élargissant un pouvoir, aux pieds si fragiles. L'expression 'Laissez-nous avancer' traduit bien cette volonté d'Ali, et donc du PDG d'exercer le pouvoir 'tout seul'. Ali veut par ailleurs s'auto-légitimer en utilisant plutôt le verbe et les médias. Or cette stratégie a déjà montré ses limites. Il n'a donc plus qu'à changer radicalement de "logiciel mental", expression qu'il emploie lui-même parfois, mais sans jamais aller au bout de sa propre logique.

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