2 sept. 2012

CRISE SUCCESSORALE AU SOMMET DE L’ETAT GABONAIS : DE LA FRATERNITE A L’ADVERSITE


ALI BONGO ONDIMBA (ABO) et ANDRE MBA OBAME (AMO), qui riment bien, sont en conflit ouvert depuis 3 ans. Même si AMO affirme que ce n’est pas une crise de personnes, il n’en reste pas moins que ce sont les hommes et les femmes qui la vivent, l’accompagnent et la subissent. Si AMO, malgré la faiblesse et la fatigue qui se dégagent de son corps physique, insiste pour qu’une Conférence Nationale Souveraine se fasse, c’est qu’il y a problème. 

Et, il y a effectivement un problème depuis la proclamation de l’élection de 2009. De même, si ABO et les siens pensent qu’il n’y a pas de crise, c’est parce qu’ils ne veulent pas que l’on déstabilise leur pouvoir. 

Crise ou pas Crise, tous les gabonais savent que du vivant de Omar BONGO ONDIMBA (OBO), et particulièrement à la fin incontrôlée de son règne, le Gabon était plongé dans un  grand désordre. C’est ce désordre qui se continue et qui est à l’origine du conflit entre le nouveau pouvoir et la nouvelle opposition contrôlées par deux ex Frères-Amis.

Un adage gabonais dit qu’au cours d’un repas, « des frères se sont bagarrés pour obtenir la tête de la gazelle, non point parce qu’elle est charnue, mais par d’orgueil, fierté et confrontation d’égo ». Afin de renforcer mon argumentaire et d’éclairer le débat en cours, je me trouve dans l’obligation de déclasser un de mes documents professionnels archivés qui n’est plus secret, en présentant par avance mes excuses aux puristes, critiques et éventuels accusateurs. 

Ce qui se passe présentement sur la scène politique gabonaise est d’une cocasserie inouïe. Deux personnages, naguère très proches, qui avaient publiquement affiché une amitié qui paraissait inflexible, une fraternité que l’on pensait infaillible et une entente réputée excellente, se trouvent face à face.

L’un s’est emparé de la fonction de Président de la République après une investiture à la candidature et un processus électoral dénoncés par une grande partie de l’opinion et par ses adversaires, au nombre desquels, son ancien fidèle compagnon. A l’origine et au centre de ce duel qui préoccupe le pays et le peuple tout entier se trouve leur défunt Père qui leur a donné le goût du pouvoir, sans avoir  réellement fixé et montré leurs limites à l’un et à l’autre, au regard de leurs qualités, de leurs défauts, de leurs compétences et de leur caractère. Faute d’avoir clairement arbitré et freiné les ambitions de ses fils, devenus très puissants grâce à lui, voici que sa succession se trouve entachée d’une âpre lutte pour le Pouvoir qui risque de remettre en cause l’Unité Nationale qu’il considérait comme sa plus grande réussite.

Etant donné qu’il n’y a qu’un fauteuil de Président de la République, la solution pour régler ce combat devient introuvable et complique le dialogue. L’un semble dire « j’y suis j’y reste », l’autre réplique « tu y es par défaut ».

Un vieux de la vieille avait dit que « la politique est une question de génération » : nous y voilà !

Les palabres, les querelles, les crises, les rancœurs, les haines ont de tout temps existé entre des Etres unis par la parenté, la fraternité, l’amitié, le mariage, le travail, les affaires etc. Ils prennent un caractère dangereux quand l’enjeu porte sur l’accès à la fonction publique la plus prestigieuse de la société : celle de Chef d’Etat. Pour y accéder, les postulants mettent tout en œuvre : argent, force, mensonges, filouterie, fétiches, sorcellerie et tout ce qui peut participer à la réalisation de l’objectif de commander.  

Du lointain passé, il nous est rapporté que les deux fils du premier couple biblique, Adam et Eve, sont entrés en conflit mortel par la faute de Dieu. L’ainé se nommait Caïn, il était cultivateur, son cadet Abel était berger. Ils firent des offrandes à Dieu qui agréa celle du cadet, provoquant ainsi le courroux de Caïn qui assassina son frère par jalousie. Tard après, il regretta son acte.

En ce qui concerne nos deux compatriotes et frères, le Président Omar Bongo, dont ils se disent fils, et  qui connaissait leurs appétits politiques ne pouvaient pas ne pas savoir, et savait même pertinemment qu’un jour, ils allaient entrer en conflit ; que lui, ne sera plus présent pour les calmer et qu’ils n’écouteront personne pour revenir à la raison. Tel est la situation que nous vivons et qui oppose deux enfants gâtés de la République par le régime politique d’un puisant homme d’Etat qui n’a pas mis de l’ordre dans sa succession.

Devenus leaders politiques, les 2 personnalités étatiques Ali Bongo Ondimba et André Mba Obame se trouvent au cœur d’une crise institutionnelle étatique postélectorale qui préoccupe les gabonais, les hommes d’affaires et les partenaires publics et privés du Gabon à travers le monde.
Si le premier s’est emparé du pouvoir d’Etat, le second, en virtuose politicien, a pris le contrôle et le leadership de l’opposition du pays, devenant ainsi l’un des rares anciens ministres de l’intérieur, sinon le seul au monde qui soit devenu très populaire après avoir fidèlement servi avec zèle un régime abject et impopulaire et fabriqué de frauduleuses victoires électorales. En cas de crise, c’est toujours entre des Etres qui se connaissent bien que les positions se radicalisent violemment.

En nommant ABO ministre de la défense et AMO ministre de l’intérieur, le Président OBO avait donné une forte connotation filiale à sa succession présidentielle, quand on sait les places, les missions, les moyens, le poids et l’influence de ces deux ministères dans la vie politique et policière d’un pays. En affirmant qu’il avait beaucoup de dauphins, OBO disait vrai et nous vivons cette réalité ici et maintenant. Il est plus qu’évident que d’autres potentiels dauphins sont aux aguets et assistent muets à la foire d’empoigne qui se déroule sous leurs yeuxL’un et l’autre, en aparté, se sont sûrement entendu dire « tu es mon fils et c’est toi qui est le plus apte à occuper mon fauteuil ». Mais, sur un fauteuil, aussi prestigieux soit-il, on ne peut poser qu’un seul derrière. Il en est ainsi du fauteuil présidentiel, de ceux du pape, du roi, du témoin, du juge ou d’accusé. Tout le gratin politique gabonais connait le passé fraternel et amical d’ABO et AMO. N’y a donc plus un seul sage au Gabon pour mettre fin à leur conflit ? Vrai ou faux, il semblerait qu’une tentative de réconciliation avait été engagée sans succès.

La Conférence Nationale Souveraine peut-elle conduire à une solution définitive ? Laquelle ? Certains affirment  que le Gabon est en crise, d’autres le nient. La vérité c’est que le pays est en crise depuis plusieurs années crises économique, sociale, politique, démocratique, morale, culturelle, spirituelle etc. Le présent conflit n’est qu’un maillon de cette crise ancienne qui se focalise sur le contentieux post-électoral de la présidentielle de 2009 et qui oppose le Pouvoir détenu par ABO et l’Opposition conduite par AMO.

Questions : qui de ABO ou AMO a sous-estimé, négligé ou minimisé l’autre dans la lutte pour la prise du pouvoir en 2009 ? Il semblerait que c’est AMO qui a commis la mortelle erreur que certains politiciens intellectuels commettent au Gabon depuis 52 ans en pensant que l’instruction et la détention des diplômes sont une garantie pour mener une carrière politique en Afrique où, comme ailleurs, la politique est voisine de la mafia, du banditisme et se fonde sur la force et la violence. C’est comme dans l’historique Far West, où c’est celui qui dégaine le plus rapidement qui tire le premier et tue celui d’en face. AMO et ABO le savent parfaitement.

Qui de ABO et de AMO défend la juste cause ? C’est AMO qui demande l’ouverture d’un dialogue national. Les intellectuels politiciens gabonais ont souvent fait montre de mépris à l’égard des politiciens sans diplômes. Et, ces derniers les ont toujours copieusement piétinés, humiliés, déshonorés. Ce fût le cas lorsque la succession à L. Mba était ouverte avec la bénédiction de la France de Foccart; quand les « cadres » de l’époque pensaient qu’A.B. Bongo n’avait pas les qualités requises pour diriger le pays qu’il dirigea tranquillement pendant 42 ans. Si ABO est Docteur en Droit, AMO est un politologue. Il a analysé « le Pouvoir Politico-Administratif au Gabon ». Il sait que la Dictée, la Rédaction, la Dissertation, les Mathématiques… ne sont pas des données suffisantes pour définir une tactique ou une stratégie de lutte politique démocratique dans les pays noirs.

ABO et AMO sont devant une opportune occasion pour démontrer aux gabonais qu’ils ont retenu de leur Père ce qui formait les piliers permanents de son discours et de sa pratique politiques : le Dialogue et la Concertation. Qu’ils nous prouvent qu’ils aiment leur pays et leur peuple en trouvant une solution à ce qui les oppose ; en oubliant leur égo, pour ne prendre en compte que les intérêts des populations ; et que si « un idiot peut faire ce qu’un autre idiot fait », un « idiot ne peut pas faire ce qu’un homme intelligent sait faire ». Qu’ils sachent qu’il y a d’autres fortunés compatriotes qui peuvent prétendre gouverner le pays.  S’ils ne sont pas capables de s’accorder ou, si l’on ne peut plus les réconcilier ; alors il faut faire comme dans la fable ; trouver un « troisième larron » pour prendre le pays en mains et mettre fin aux bruits de bottes et à la chienlit qui s’annoncent.

Au-delà d’un homme providentiel, c’est d’une équipe dont le pays a besoin. Ce que le peuple vit aujourd’hui était prévisible et aurait pu être atténué.

En ma modeste qualité de Conseiller Personnel, quelques années avant sa mort, comme l’ont certainement fait d’autres patriotes, j’avais attiré l’attention du Président Omar Bongo Ondimba sur la nécessité de préparer sa succession (voir document). Hélas ! On ne prête qu’aux riches et les grandes douleurs sont muettes…

Puisque la crise politique actuelle polarise toute l’attention du peuple, la solution est de trouver un terrain d’entente pour éviter que l’on en vienne à poser le problème en termes de vie ou de mort ; mais en termes de Dialogue et de consensus politiques démocratiques, ou alors de Changement. Qu’Ali Bongo Ondimba et André Mba Obame convainquent les gabonaises et les gabonais qu’ils ont chacun, une carrure d’homme d’Etat pour gouverner le Gabon dans la Paix.

Sinon, « Qu’ils Dégagent... »

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