6 févr. 2013

GABON : SEEG ET SOVOG DANS LE COLLIMATEUR DE L’EMERGENCE


Parmi les organismes créés ou à créer, pour accompagner et soutenir l’économie politique libérale de l’Emergence se trouvent, entre autres, l’Agence nationale des grands travaux (ANGT), le Fonds Souverain de la République Gabonaise (FSRG), le Centre de développement des entreprises (CDE), la Caisse de Dépôt et Consignation (CDC), les futures compagnies aérienne et pétrolière etc. 

De même, le régime tente de redynamiser les sociétés dont l’image se dégrade dans les populations pour cause de mauvaise qualité de produits ou prestations, c’est le cas de la SOVOG et la SEEG qui sont dans le collimateur de l’Etat. 

Sur quelle logique repose l’action de l’Etat en matière de stratégie économique et financière pour développer les infrastructures et générer des ressources budgétaires propres pour le financement les opérations de développement pour l’Emergence du pays ?

Face aux difficultés objectives et notoires que connait la société SOVOG pour assurer un ramassage rationnel, efficace et régulier des ordures ménagères, et divers autres déchets qui font de  la capitale du pays une poubelle géante, le pouvoir a réagit publiquement. 

Le mauvais nettoyage de Libreville ne dure pas d’aujourd’hui. Dans un passé pas très lointain, la médiocre gestion des sociétés à capitaux publics a entraîné leur dégradation, suivie de leur disparition. Pour avoir été réputées et qualifiées de « gouffres à sous », les sociétés d’Etat ont fait l’objet d’un vaste programme de privatisation, inconsistant et frauduleux, qui a fait croire aux populations que leur redressement en dépendait. 

A l’origine, le plan d’affaires de SOVOG,  entreprise privée, dont la raison sociale était SEDEP, comportait trois volets, à savoir :

- ramasser et traiter les ordures ; 
- fabriquer des engrais ;
- produire de l’électricité à bas prix. 

Quelques experts avaient émis des réserves sur la faisabilité de ce plan jugé sur-dimensionné et trop ambitieux. 

Les autorités du régime de l’Emergence, conseillées par leurs experts, viennent d’informer le pays, par l’intermédiaire du porte-parole de la Présidence de la République, qu’elles ont trouvé une solution aux difficultés que SOVOG et la Mairie rencontrent dans la mission de faire de Libreville une ville propre, accueillante et conviviale…

L’examen rapide de la décision gouvernementale montre que le choix qui a été fait s’apparente à un retour au passé. La preuve, l’on est passé des entreprises à forte dominance de l’Etat, gérées par des fonctionnaires, aux sociétés à gestion privatisée présentée comme la solution incontournable, porteuse d’améliorations par la qualité de leurs produits et leurs prestations, pour elles-mêmes et pour les consommateurs-clients : personnes physiques et morales.  

Le programme de privatisation des sociétés publiques a fait plus de mal que de bien à l’économie  gabonaise. 

Pour avoir traité quelques dossiers des personnels licenciés de ces sociétés relevant de la tutelle étatique, nous pouvons affirmer que leur privatisation  a provoqué un profond traumatisme parmi les familles des agents concernés, mais également à l’économie réelle : Air Gabon, Gabon télécom, Gabon Informatique, Gabon Postes, HEVEGAB, AGROGABON  etc. 

L’un des remarquables résultats a été la distribution des quelques « enveloppes » pour finaliser les transactions. 

Deux sociétés aux missions et aux produits importants et vitaux perturbent présentement la vie des gabonais par l’étalage de leur insouciance et de leur incapacité à améliorer leurs prestations, ce sont la SEEG et la SOVOG

Pourtant les dirigeants de ces sociétés sont compétents, bien formés, expérimentés, ayant des capacités intellectuelles et techniques qui les rendent aptes à les diriger. Soumis à une obligation de réserve qui les confine à adopter la posture des 3 petits singes : ne rien dire, ne rien voir, ne rien entendre, leur communication est rendue insignifiante et leur soumission à l’autorité supérieure les dispense de dire au peuple la vérité sur les relations économiques et financières entre l’Etat et leur société et leur impact sur les tensions de trésorerie, sur la mobilisation de leurs créances et sur le respect des obligations synallagmatiques qui sont contenues dans leur contrat. 

Dans sa déclamation du Lundi 29 octobre 2012, le porte-parole de la Présidence a annoncé des décisions concernant la SEEG et la SOVOG

Concernant la SEEG, « l’Etat a constaté le manque d’entrain de son concessionnaire à maintenir ses installations en bon état et à assurer une fourniture régulière d’eau »

Aussi, l’Etat « demande à la SEEG de réfléchir en interne aux mesures compensatoires du préjudice subi pendant une semaine par les ménages, les commerces et les industriels, et d’en faire une communication dans les plus brefs délais »

Quant à la SOVOG, nous apprenons qu’en janvier 2013, Libreville sera dotée d’une nouvelle structure qui mettra en œuvre un schéma directeur de propreté a annoncé le porte-parole de la Présidence de la République. C’est à la suite des discussions avec  SOVOG que l’Etat gabonais a acquis une large majorité des parts du capital de cette entreprise… 

Cette implication majeure  de l’Etat  dans ce secteur stratégique devra permettre aux gabonais de vivre dans un environnement sain et sécurisé. Pour soutenir les charges financières de ce nouveau schéma directeur  de propreté, des ressources pérennes basées sur le principe pollueur /payeur seront mobilisées. Il est également prévu l’implication d’un plus grand nombre d’acteurs privés intervenant dans le secteur de la propreté résumé en 9 activités allant de la collecte des déchets ménagers... à l’embellissement et le fleurissement de nos villes.

Cette « salutaire décision » est surprenante sur 3 aspects qui sont :

1- l’implication majeure de l’Etat dans une structure privée par l’acquisition d’une large majorité du capital, 2- la mobilisation des ressources pérennes sur la base du principe pollueur /payeur 
3- l’implication d’acteurs privés.

D’abord l’on ramène dans le giron public politico-étatique, une entreprise privée  dont on vante généralement les modalités d’organisation et la gestion économique et financière. 

Voilà que le désengagement préconisé par l’Etat gabonais dans le monde des affaires, se transforme quelques années plus tard à son contraire. 

L’on était passé du « tout public » à sa privatisation et maintenant, l’on revient à l’étatisation des sociétés privées. 

L’Etat prévoit la création d’une société de transport aérien et une société nationale de pétrole. 

Cette évolution désarme les analystes, les experts et les partisans de la rationalité des choix de développement. La coexistence du rôle de régulation économique et financière de l’Etat, avec les activités économiques et financières productives des entreprises doit obéir à une logique qui permette à chaque agent de conduire ses missions et de poursuivre ses objectifs sans contraintes majeures. 

Or, par moment, tout Etat semble abuser de son pouvoir et de sa faculté à être entrepreneur-commerçant, consommateur-client (mauvais payeur parfois) et autorité-suprême, en particulier au cours des dernières années de crise internationale. 

Pour cela, l’interventionnisme économique et financier de l’Etat ne devrait se faire que pour encourager les opérateurs malheureux pour qu’ils réaffirment leurs capacités à tenir leurs obligations. Dans le cas contraire, l’Etat, ne peut les démettre ou se substituer à eux qu’en situation de force majeure, d’impérieuse nécessité ou de mise en œuvre d’importants projets de développement nécessitant de très lourds investissements dans des secteurs stratégiques. 

Le régime de l’Emergence se réclame du libéralisme. Même si celui-ci n’a jamais été pur, il n’y a pas libéralisme quand des structures chargées de la création des richesses nationales et du développement social sont rattachées à la force publique et placées sous le joug des d’affairistes raiders transformés en fonctionnaires. 

Il n’y a pas libéralisme quand l’initiative privée créatrice est sans cesse retardée et découragée. 

Il n’y a pas libéralisme quand l’Etat fait intrusion dans les instances de direction des agents privés. 

La décision étatique de prendre part au capital social de SOVOG n’est certainement pas la solution la plus appropriée pour son redressement. 

Nous osons penser  qu’un diagnostic froid et objectif  n’aurait pas conclu à l’entrée de l’Etat dans SOVOG

Il est souhaitable que la recapitalisation de cette entreprise par l’apport des finances publiques, s’accompagne d’un plan de relance des activités entraînant le redéploiement des ressources humaines, des matériels et équipements techniques, et des bases organisationnelles. 

Une fois que les difficultés d’une entreprise en crise sont clairement identifiées et les actions prioritaires de relance fixées, le plan de réaménagement ou de redynamisation de ses activités fait l’objet d’une évaluation financière, ultime volet de la stratégie dont l’importance peut nécessiter l’aval de l’Etat. 

Ceci est vrai pour tous les types d’activités et plus encore pour les entreprises de services. 

L’un des problèmes connu et vécu par la majorité des librevillois et qui infecte leur existence est celui de l’entassement des saletés dans les quartiers à cause de la faible rotation des équipes de SOVOG, chargées de leur enlèvement. 

Face à cela, les mesures prioritaires pourraient consister à augmenter les fréquences de passages des camions, complétées par la création et l’aménagement de nouvelles zones de décharges des ordures, suivis du renforcement de la discipline dans l’organisation des équipes de terrain et l’amélioration de leurs conditions de travail. Le tout couronné par l’augmentation des moyens et équipements de travail. 

Dans un montage de ce type, l’Etat, sans être partie prenante à la société, doit être un partenaire sûr dont le rôle est de garantir et de faciliter la mobilisation des fonds nécessaires au financement de projet de réorganisation. 

Cette proposition n’a pas pour prétention de donner des leçons, mais uniquement pour contribuer à la réflexion pour la mise en place d’un schéma de restructuration  d’une société en difficultés dont la mission est d’intérêt public, en ce qu’elle influe sur notre santé. 

L’Etat, plutôt que d’entrer dans SOVOG, devrait inviter cette dernière à s’ouvrir son capital aux entreprises qui exercent les mêmes activités pour en faire des actionnaires et plus simplement des sous traitants. Si les 9 prestations citées par le porte parole sont effectuées par des sous-traitants, ces derniers doivent être regroupés et prendre des parts dans la « nouvelle structure » qui aurait pour tête de file SOVOG. Ainsi, les capitaux, l’organisation, les activités resteraient sous la maîtrise et la responsabilité directe des professionnels privés que l’Etat sanctionnerait en cas de manquements à leurs obligations. 

La mondialisation a mis fin aux anciens clivages entre libéralisme et socialisme. De plus en plus, les Etats les plus libéraux volent au secours des opérateurs privés quand l’intérêt public national est menacé. 

Dans les économies des pays en voie de développement ou en voie d’émergence, comme le Gabon, la rigueur de la gestion économique, financière et des ressources humaines par les dirigeants des entreprises et des agences de développement fait partie des exigences de bonne gouvernance que les responsables de l’Etat doivent s’imposer. 

Terminons en disant que la SEEG ne pourra jamais avoir assez d’argent pour réparer les préjudices matériel, corporel, moral et psychologique qu’elle cause aux gabonais depuis plusieurs années, surtout que l’Etat lui demande uniquement de « réfléchir en interne aux mesures compensatoires du préjudice subi pendant (seulement) une semaine par les ménages, les commerces et les industriels »

Cette demande est une clause de style et un vœu pieu. Les deux entités, Etat et SEEG, se tiennent par la barbichette depuis des décennies.  

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire