Après certains autres partis de la Majorité, le parti le plus ancien, le
plus riche, le plus expérimenté, le plus décrié, le plus mobilisateur et le
mieux implanté ; celui qui gouverne sans discontinuité le Gabon depuis le
12 Mars 1968 (45 ans) se prépare à organiser un congrès qui peut, soit
constituer un évènement majeur de la vie politique du pays, soit être une
banale partie de jactance. Attendons pour voir !
Il se dit ces derniers temps qu’un congrès du PDG est en préparation. Ce
congrès survient dans un contexte marqué par quelques évènements
sociopolitiques relativement importants qui sont : l’écrasante victoire du
PDG aux dernières législatives suivie de la formation d’un gouvernement
totalement PDG, la demande insatisfaite de la tenue d’une conférence nationale
souveraine par l’opposition, la société civile et les populations, les
négociations politiques de Libreville entre gouvernants et rebelles
centrafricains, les travaux de la Commission nationale de la CEMAC en vue de la
présidence gabonaise de l’Institution, la levée de l’immunité d’un
sénateur PDG et sa traduction devant la justice, les scandales relatifs à
l’accroissement des crimes rituels, aux détournements des fonds publics ou para
publics, mettant en cause les personnalités du PDG …Et, bien évidemment, les prochaines élections locales, sénatoriales et la
présidentielle de 2016.
Rappelons que le PDG a, hérité du Comité Mixte Gabonais (CMG) de Léon MBA
et du Bloc Démocratique Gabonais (BDG) de Paul GONDJOUT et Léon MBA.
C’est le PDG qui a dirigé le Gabon jusqu’aujourd’hui à travers deux
personnalités : Omar et Ali BONGO.
Depuis la création du PDG, et avant le déplacement du poste de
Premier Ministre chez les Fang du Woleu-Ntem, ce poste a longtemps été occupé
par les ressortissants Fang, toujours mâle, de l’Estuaire.
Quant au poste de Secrétaire Général du PDG, il n’a jamais été
occupé, ni par un Fang, ni par une femme. Le Secrétariat Général du PDG a tour
à tour été dirigé par L. AUGE, J. ADIAHENOT, S. NGUEDET MANZELA et F. BOUKOUBI.
Le prochain congrès sera-t-il celui du changement et de l’innovation ?
A son accession au pouvoir, le Chef de l’Etat Ali BONGO n’a pas jugé opportun
de dissoudre le PDG, de le transformer, de le réformer ou de réorganiser sa
direction. Il a conservé les choses en l’Etat, il a cependant créé un cadre
pour le rassemblement de ses partisans dénommé la
Majorité Républicaine pour l’Emergence (MRE), qui est une variante de la
Majorité présidentielle de son devancier Omar Bongo avec, en moins, sa maestria
dans la gestion de ses alliances, de ses alliés et de ses opposants politiques.
Le congrès du PDG est celui du parti qui domine la majorité républicaine,
et, les résolutions qui en sortiront sont très attendues par ses compagnons
politiques qui se plaignent, en silence, de leur écrasement et de leur
marginalisation, toutes choses qui les fragilisent et les
discréditent aux yeux des populations qui ne perçoivent
pas la nécessité de passer avec cette formation politique un contrat
qui est inopérant et problématique. Le PDG reste dominant dans le pays, au
Parlement, au Gouvernement, dans les conseils locaux, dans les administrations
centrale et locale, dans les entreprises, dans la MRE.
Présentement, deux situations ternissent toute la vie politique gabonaise :
d’une part, les sanctions, les contradictions et les divergences qui minent
l’opposition, d’autre part, le cavalier seul du PDG dans une majorité en
apparence unie, mais en réalité sans âme et insuffisamment soudée.
Seuls les partis de la MRE qui sont dirigés ou apparentés aux anciens membres
du gouvernement, dignitaires et très hauts cadres du pays sont actifs sur le
terrain. Ce sont entre autres le RPG, le PGCI, l’ADERE et le CLR.
Les autres partis font le nombre, sans réellement prendre une position et
une place déterminantes dans le groupe. Les rumeurs relatives à la composition
de l’équipe qui prépare le prochain congrès laissent entendre que les
dirigeants et hiérarques actuels du PDG ne sont pas impliqués dans cette phase
de travail préparatoire. Signe des temps ?
Ce congrès, pour être historique, devrait déboucher sur l’une des
résolutions suivantes.
1- Garder la dénomination du parti mais le transformer de fonds en comble
en changeant ses équipes dirigeantes nationales et locales.
2- Dissoudre le PDG et créer un nouveau parti sur ces cendres. La seconde
hypothèse comporte le risque, soit de susciter la naissance de
nouveaux micros partis, soit de pousser certains anciens pédégistes « dans
les bras de l’opposition ».
Objectivement le PDG est devenu une structure obsolète et vieillotte dont
le fonctionnement et l’image ne correspondent plus aux exigences de la vie
politique du Gabon qui est irréversiblement tournée vers la démocratisation des
institutions républicaines qui peinent à éclore. A n’en point
douter, la disparition du PDG de la scène politique représenterait un évènement
surprenant, un tournant dans la réorganisation des forces politiques
gabonaises.
Le moindre mal pour l’Emergence voulue par Ali Bongo Ondimba, qui est
condamnée à la réussite, consiste à se démarquer progressivement des pratiques
anciennes, dont malheureusement, les stigmates apparaissent encore avec
ténacité dans les comportements et les actes de certains nouveaux dirigeants.
Le PDG a trop souvent été accusé, à tort ou à raison. Il a été rendu
responsable de plusieurs maux et actes crapuleux, irresponsables, illégaux,
immoraux qui lui ont donné un profil hideux, fait de cupidité et de
vénalité. Bien sûr, le PDG ne laisse aucun gabonais indifférent, les jeunes,
adultes et vieux qui l’ont connu ont un souvenir joyeux ou douloureux de cette
machine qui a régné en toute tranquillité pendant près d’un demi-siècle sur le
Gabon.
En fin stratège politique africain, calculateur et rusé, son fondateur a
su, à chaque période de vives tensions internes, étouffer les
contradictions qui le menaçaient d’implosion ou d’explosion. Ce parti qui
compte de nombreux membres ayant entre 20 et 40 ans de militantisme gagnerait à
se reconstruire, à se refaire une santé ou à laisser place à une nouvelle
génération, plus jeune et plus dynamique…
Toute société comporte deux grands pans qui sont l’Economique (et le
financier) et le Politique (et l’institutionnel). Par leurs relations
fusionnelles, ces deux blocs donnent à toute société sa logique, son caractère,
ses références. On ne peut pas avoir un projet de développement économique et
social qui se veut libéral et novateur, et l’accompagner d’une organisation
politique anachronique, désuète et anti démocratique comme cela a été pratiqué
sous le PDG-Unique.
Pour que la politique de l’émergence du Président Ali soit crédible à
l’international et donne confiance aux gabonais au niveau national en interne,
il faut mettre en harmonie la libre entreprise proclamée dans son projet de
société et confirmée par les choix de sa « diplomatie
économique », avec un système politique démocratique, républicain assis
sur la liberté d’expression, la solidarité et le respect des minorités.
Dans l’hypothèse haute, très aléatoire et improbable, qui est la création
d’un nouveau parti politique, les nouveaux responsables, nouveaux stratèges de
celui-ci devraient définir une ligne politique qui reflétera cette recherche
de cohérence entre l’économie, le politique et le collectivisme social et civil
qui assure plus ou moins convenablement, la synergie entre la structure
économique et la sphère politique en les consolidant.
La création d’un nouveau parti, au sortir du congrès du PDG, peut aussi
susciter des ajustements et des repositionnements au sein de la MRE. Si le PDG
reste en place après le congrès, il y a à craindre qu’en cas de changement et
de pertes de privilèges par certains, des sentiments de vengeance, de frustrations
et des revendications se manifestent du côté de ceux qui voudront se faire
passer pour les héritiers et les dignes dépositaires de ce legs de feu Omar
Bongo qui lui-même l’a reçu de Paul Gondjout et de Léon Mba.
Le Gabon émergent va-t-il avoir le courage de tourner une page de
l’histoire politique étatique du pays ? L’a-t-il suffisamment
lue pour décider de la déchirer ou de la mettre à l’écart ? Est-il
bien outillé pour impulser une nouvelle dynamique sociopolitique nationale ?
Le congrès et surtout l’après congrès du PDG nous le dira. Si l’appellation
PDG demeure, il risque d’y avoir un vrai chamboulement dans la composition des
organes responsables. Si l’appellation change, une mini bombe politique va
exploser dans le cosmos politique.
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