10 oct. 2013

LA CANDIDATURE DE JEAN EYEGHE NDONG : ENJEUX ET RISQUES POLITIQUES

Tout le monde le sait maintenant, Jean Eyeghe Ndong est candidat à l’élection du Maire de Libreville. Il se murmure aussi que le Maire actuellement en poste, un autre Jean envisage y rester et que, même une dame du PDG envisagerait briguer cette fonction. Or, ces trois candidats sont tous natifs de l’Estuaire. L’on peut supposer qu’à l’approche de la date de l’échéance fatidique, d’autres candidats, originaires ou pas de Libreville, vont se manifester.  

La fonction de maire de Libreville est très importante aux niveaux politique, financier et stratégique. Jusqu’à présent, seules les personnalités de la Province l’ont occupée, non pas par élection, mais par accord, cooptation et arrangements politiciens fondés sur un partage des responsabilités entre Fang et Mpongwè. 

L’arrivée au pouvoir d’Ali Bongo a créé un contexte qui se veut différent, à bien des égards, de celui d’Omar son prédécesseur. En mettant fin à la traditionnelle pratique d’un premier Ministre natif de l’Estuaire, sous OBO, on suppose que cette innovation pourrait s’appliquer a des fonctions moins importantes. Sauf que, si le scrutin est libre, propre et transparent, comme le veulent les gabonais, tous les futurs maires et sénateurs devraient être élus par les populations de leur circonscription et non désignés par l’exécutif après des combinaisons politiques. 

Ces combines ont été particulièrement mises en œuvre sans discontinuité dans deux communes du pays, où une alternance politique consensuelle a été instituée avec éclat pour le poste de maire de la ville : Fang et Miènè (Mpongwè) à Libreville, et Fang et Mièné (Galois) à Lambaréné. 

Les montages politiques qui consistaient à installer les parents, amis et fidèles à des postes électifs doivent laisser place au choix libre des citoyens. Pour ce faire, il faudrait qu’à tous les niveaux de choix, les électeurs se prononcent librement ; dans les bureaux de vote et dans les conseils municipaux et départementaux élus sans pour autant exclure les alliances normales liées au fonctionnement de la démocratie. 

La mairie de Libreville doit être occupée par un compatriote ayant la réputation d’un patriote charismatique et sérieux, quelqu’un qui ne donne pas l’image d’un individu avide d’argent et d’honneurs. Parmi les candidats proches de ce profil se trouvent, entre autres, Jean Eyeghe Ndong, Jean Jacques Kangué et Florent Mba Sima. Si les deux derniers cités sont membres d’un parti politique, JEN, sauf par extraordinaire, sera sur une liste de candidats indépendants qui devra se donner une dénomination. 

Kangué, en plus de l’expérience acquise en qualité de maire adjoint pendant de longues années, peut se prévaloir de la nécessité d’élire un non Fang (lui) après un Fang. Le calme et la sérénité qui se dégagent de cet homme, que l’on peut qualifier de jeune, sont des atouts pour ce poste. 

Monsieur Mba Sima, que beaucoup de librevillois ont toujours considéré comme le « Maire naturel » de la ville, jouit d’un fort capital de sympathie. Toutefois, sa grande discrétion, ponctuée par son retrait volontaire du monde politique depuis quelques années attirent l’attention des observateurs politiques. L’homme, par son expérience, son dynamisme et sa détermination serait un bon candidat pour la mairie de la capitale. 

Sérieuse ou pas, la candidature de JEN est de nature à pousser la majorité républicaine pour l’émergence à s’organiser pour la conquête de la mairie de Libreville dans la transparence. Par ce qu’elle est une invitation à la transparence. La candidature de l’ancien dernier Premier ministre d’Omar peut être d’une grande portée pour les opposants gabonais ; tant au niveau psychologique, que politique et social. C’est certainement une occasion pour lui de rassembler son électorat, ses compagnons politiques de l’Union Nationale dissoute ; et de jauger sa popularité auprès des électeurs de son siège et partant de la capitale. Pour que cette candidature face entrer JEN et son bord politique nouveau dans l’histoire du pays, elle devrait reposer sur une stratégie de relance et de renforcement de l’opposition ; en particulier de l’Union Nationale, son parti dissout. 

Dans cette optique, le candidat  Eyeghe sera obligé, en concertation avec ses amis de l’ancienne Union Nationale, de former des listes dans d’autres circonscriptions de la ville, de l’Estuaire ; voire du Gabon tout entier. En l’absence d’AMO, il pourrait représenter le recours pour l’opposition gabonaise en quête d’un leader charismatique. Le mode de scrutin proportionnel de liste et les achats de conscience et des votes lors des élections des conseils locaux départemental et municipal font qu’Eyeghe doit mettre en place une forte organisation pour accompagner son projet. 

A priori, tous les patriotes gabonais doivent se réjouir de la perspective d’une éventuelle restructuration de l’opposition avec l’espoir de vivre un processus de démocratisation politique voulue par la majorité des nationaux et proclamé par les dirigeants actuels du pays. 

A ce titre, la candidature de JEN est à suivre avec beaucoup d’attention par les acteurs de la MRE dont certains souhaitent se porter candidats à la mairie de Libreville. La fonction de maire de la capitale du Gabon n’a jamais été, comme celle de maire de la ville de Paris en France, un tremplin pour une future candidature à la présidence du pays. 

Dans l’actuel contexte politique marqué par une volonté de dialogue et de concertation politiques, la conquête de la mairie de Libreville peut, à très court terme, devenir une base arrière pour un politicien, ancien premier ministre, ancien député, ancien candidat à l’élection présidentielle. De là, affirmer que Jean Eyeghe sera la cible des rudes coups de ses adversaires est un truisme ; et penser que tout sera mis en œuvre pour son échec ou son désistement n’est nullement une vue de l’esprit. 

Pour nos analyses à venir, nous attendons connaitre le candidat du PDG et des autres partis ou listes qui seront positionnés en face de ce premier postulant à la plus grande et prestigieuse mairie du pays. Si l’homme est perçu comme un bon candidat, il reste que certaines questions peuvent être posées. 

D’abord : Eyeghe Ndong est-il un homme seul, ou se place t-il dans une démarche unitaire et solidaire avec ses compagnons de l’Union Nationale (dissoute) ? Peuvent-ils mobiliser les moyens financiers et matériels pour supporter une campagne électorale qui comporterait plusieurs listes ? Formeront-t-il avec leurs partisans un Comité ou un Mouvement électoral conjoncturel qui pourrait se déployer à travers le Gabon ? 

Ce Mouvement pourrait-il se transformer en un organe politique structuré, durablement et solidement ancré dans le cadre politique démocratique national ? Les contours de la candidature d’EN peuvent être très politiques et nécessitent une stratégie et une tactique politiques bien huilées et opérationnelles. Les analystes et hommes d’opinions gabonais et étrangers doivent porter une attention particulière à ce projet politique qui parait intéressant pour revitaliser notre processus de démocratisation. 

D’une certaine façon, cette candidature pourrait aussi provoquer des dissensions dans l’opposition. Elle pourrait gêner certains. Il pourrait aussi se trouver que Jean Eyeghe Ndong, qui est un politicien averti, soit placé devant l’obligation de faire une alliance salvatrice avec La majorité. Par expérience, toutes ces éventualités doivent être posées. En effet, devant des blocages et pour atteindre certains objectifs politiques, on a vu dans le passé, des listes communales ayant obtenus 3 conseillers, réussir à placer l’uns d’eux au poste de maire après négociations, pour favoriser l’élection d’un sénateur du camp opposé. 

Quand on a 2 ou 3 membres dans un corps électoral constitué de 15 ou 18 votants et que l’on réussit à être élu maire, cela traduit l’importance de l’enjeu et des intérêts en présence. Si JEN ne réussit pas à être élu maire de Libreville par « les grands électeurs » après avoir été élu conseiller municipal par l’électorat populaire, il lui restera à manœuvrer pour se faire élire sénateur. 

Là également, rien n’est acquis par  avance et sans contraintes. Le mode proportionnel n’est pas du tout conforme au niveau de conscience politique et démocratique des électeurs et des personnalités politiques de Gabon. Les crises qui ont secoué et bloqué le fonctionnement de certains conseils locaux en sont des preuves. Un jour futur, il faut revenir au scrutin majoritaire à deux tours qui permet de stabiliser les institutions, de clarifier les majorités et de favoriser les négociations et les alliances opérationnelles. Il se pourrait que la commune de Libreville soit gérée pour la première fois par un groupe politique qualifié d’indépendant. 

L’homme JEN est perçu comme un compatriote courageux, au langage direct et au franc parlé. Cela lui  suffira-t-il pour créer un mouvement de sympathie autour de son aventure ?  Pour tous les types d’élection, il est conseillé de négocier avant le vote. Les Partis et les personnalités politiques ; les associations et les groupements sociaux qui s’accordent doivent se lancer dans une vaste concertation pour une stratégie de cogestion du pays. 

Au moment où le processus de décentralisation peine à progresser, les élections locales à base de biométrie doivent représenter une occasion pour permettre aux gabonais de se prononcer librement sur le choix de leurs responsables. La qualité des hommes et des femmes compte dans la représentation et la gestion des pouvoirs et des structures de proximité…. 

Nous insistons : il y a présentement à travers le Gabon, des réalisations positives qui sont de plus en plus visibles et qu’aucun homme juste et de bon sens ne peut méconnaître, sauf par fanatisme, par nihilisme et par cynisme gratuits. Ceux qui ont voyagé, ces temps dernier, à travers le Gabon ont dû constater que le Gabon change. 

Depuis 4 ans il y a des améliorations comme jamais connues au cours des 15 ou 20 dernières années avant l’arrivée d’Ali à la présidence en 2009. 

Mais, ces changements et ces progrès sont dévalorisés par un environnement politico-social, humain et économico-financier malsain où transparaissent : absence de considération, mépris, gabegie, impunité, excès de pouvoir, abus de biens sociaux, détournements de fonds, corruption, criminalité, fétichisme et toutes les vilenies qui transforment l’homme en animal féroce et donnent libre cours à l’indifférence et au mécontentement populaire. 

Le porte parole de la Présidence nous a dit que le Chef de l’Etat ne soutient pas la candidature d’Eyeghe. Question : Eyeghe a-t-il sollicité le soutien d’Ali ? Si la réponse à cette question est affirmative, il faut réfléchir, si c’est non ! Pourquoi Eyeghe a demandé à rencontrer le Président ? 

Certes tout citoyen gabonais a le droit de rencontrer son Chef, mais dans le positionnement politique de JEN, cette démarche prend une importance politique non négligeable. Les vrais démocrates sont partisans du dialogue, de la concertation, de la négociation, des accords et des alliances politiques sur la base des principes clairement définis et pour des actions pré déterminées. 

Les personnalités politiques de tout bord doivent faire preuve de responsabilité et de transparence à l’égard du peuple. Ils doivent comprendre que respecter le peuple consiste à lui faire connaitre les actes qu’ils posent, qu’ils soient compris, acceptés ou pas par le peuple. Il est vrai et habituel que, les apartés, les ententes particulières et les conciliabules sont inhérents au fonctionnement des systèmes politiques multipartites. Toutefois, tout cela dépend du contexte politique du moment, et de la qualité des acteurs politiques en présence. 

Roi est mort, vive le Roi !... Quel avantage tire le président de la République en laissant son porte-parole dire au gabonais qu’il a accordé une audience à « l’opposant le plus radical » à son régime et qu’il ne soutient pas sa candidature à la Mairie de Libreville ? 

Il est des jours où se taire est plus noble que parler. 

Ceux qui ont eu l’opportunité d’approcher Omar Bongo peuvent affirmer que jamais, au grand jamais, un tel acte (rencontre avec un opposant radical suite à la demande de ce dernier) n’aurait été traité de cette façon. 

Tout au plus, en cas de rejet de l’offre du demandeur, les médias auraient été insidieusement actionnés et mis à contribution pour déstabiliser ou dénigrer l’opposant sans l’implication directe et visible de la Présidence. 

Les responsables de la majorité républicaine pour l’émergence (MRE) doivent comprendre qu’ils gèrent un Groupe de compatriotes aux conceptions politiques et aux dispositions intellectuelles différenciées, dans une alliance qui a pour but d’améliorer, sans cesse, ensemble le climat sociopolitique du pays et partant la Paix chère à nous tous. 

La gestion des hommes et des femmes, jeunes, adultes et vieux, des simples gens aux notables, cadres, dignitaires… nous oblige à la retenue, à la réserve, au respect des choix des autres, et à la recherche permanente des équilibres et des solutions aux difficultés du pays... Ah ! Si jeunesse savait et si vieillesse pouvait !


0 commentaires:

Enregistrer un commentaire