31 oct. 2013

GABON : POUVOIR ET CONTRE POUVOIR

Pendant plusieurs jours, les politiciens, les politistes ou politologues, et la presse privée ont publiquement traduit le sentiment général qui se dégage d’une partie de la population sur la capacité juridique de certains compatriotes à se porter candidats aux prochaines locales. 

Entre autres, deux  noms ont été ciblés, celui de Kerangalt et de Seydou Kane, qui sont légalement devenus gabonais par naturalisation et, de ce fait, ils peuvent revendiquer ou faire prévaloir leurs droits civiques et civils. 

Cependant, quand les dispositions  légales sont confrontées à la vindicte populaire, à la vox populi, quand le droit se heurte aux faits, comme c’est le cas pour ces candidatures, c’est qu’il existe un malaise, un problème, une difficulté, c’est que le phénomène est inhabituel et choquant. Nous avons connu la présence des étrangers, « franco-gabonais », dans la sphère du pouvoir peu de temps avant et après l’indépendance. 

L’insertion au sommet de l’Etat, et dans les organes de gestion des mandats populaires des personnes venues de l’étranger, avait commencé du temps du Premier Ministre et du Président Léon Mba. Elle s’est accentuée sous le règne d’Albert Bernard MBongo. 

Certes, quelques éminents gabonais aux noms à consonance étrangère comme Kachenko, Mamadou, Alvaro, walker, Dossou, Diop, ogonwou, Adétona, Padonou, Adon, Paraiso, Saïzonou, Daouda, Dikéou, Sindikou,   etc. ont fidèlement servi le Gabon parce qu’ils étaient gabonais, par ce qu’ils sont gabonais. 

Aujourd’hui, personne dans le pays ne peut contester l’appartenance de leur descendance au Gabon. Le peuplement historique du Gabon s’est réalisé par les installations successives anciennes et nouvelles des ressortissants de notre sous région de l’Afrique Centrale (ancienne AEF) ; complétées par celles des groupes en provenance de l’Afrique de l’Ouest (AOF) ; en particulier du Sénégal, du Dahomey, du Nigéria, du Togo etc. 

Avant l’indépendance du Gabon, l’intégration de ces arrivants était si totale et si sincère que la prise de la nationalité gabonaise ne les obligeait pas. Leur contribution à l’organisation du jeune nouvel Etat en formation était très appréciée et s’affirmait principalement dans les affaires, avec pour secteurs  de prédilection le commerce et les services. 

A cette époque, le fichier d’état civil territorial était sous le rigoureux contrôle de l’administration coloniale. Et, tous les peuples sous tutelle avaient la « nationalité française ». Au niveau social, des mariages furent célébrés entre gabonais et étrangers. Et, à l’exception de quelques ressortissants congolais, camerounais, et  Equato-guinéens dont les familles, souvent de clans et de patronymes communs, se retrouvaient dans deux de ces pays. 

Rares, à cette époque, étaient les étrangers originaires de l’Afrique de l’Ouest qui occupaient et exerçaient des hautes fonctions administratives ou politiques au Gabon. 

Les mélanges successifs entre les gabonais d’origine et les gabonais d’adoption n’ont pas réussi à créer un climat social national favorable à une saine et durable cohabitation des deux catégories. Au contraire, les mentalités ont évolué vers le rejet catégorique de l’étranger. 

Plusieurs faits expliquent ce rejet du « tout sauf étranger » qui frise parfois la xénophobie. 

D’abord, l’entrée anarchique et continue au Gabon d’une masse d’étrangers en situation irrégulière, puis l’obtention ou l’octroi trop facile et rapide de la nationalité gabonaise par une administration qui n’a pas mis en place une politique d’immigration rationnelle et protectrice. 

Il y a ensuite le développement étouffant des lieux de culte et autres alcôves fétichistes truffés d’étrangers dans les quartiers populaires: églises de réveil, mosquées, marabouts, voyants, charlatans. 

Et enfin, l’implication des étrangers, associés ou pas aux gabonais, dans les faits divers crapuleux et violents. 

Ce rejet généralisé est devenu plus coriace et plus palpable depuis 2009, après la prise de la direction du  pays par Monsieur Ali Bongo Ondimba qui a installé les gabonais d’origine étrangère dans des fonctions étatiques prestigieuses et stratégiques en provoquant chez ses compatriotes,  un profond sentiment de frustration... 

Aujourd’hui, les gabonais se sentent dominés et diminués chez eux, trahis et délaissés par le Chef de l’Etat. Cette crise est née des violentes contestations post électorales qui ont causé une fracture entre la population et le candidat déclaré vainqueur à la présidentielle. 

Malgré l’exécution graduelle des projets contenus dans son projet de société, pourtant porteur d’espoir, et les transformations qui en découlent ; ces faits sont ancrés dans la « mémoire collective des gabonais ». 

En retour, le Chef de l’Etat donne l’impression d’être convaincu, à tort ou à raison, que « son peuple ne l’aime pas, ne le considère pas » ? 

Et que, conscient de ce désamour, il se trouve dans l’obligation de composer avec la catégorie de gabonais qui lui témoignent fidélité, soutien et estime, groupuscule formé de citoyens naturalisés, aux profils et aux statuts sociaux hybrides, traités d’usurpateurs et d’imposteurs par la grande majorité des gabonais. 

Certains, par leur comportement arrogant et hautain provoquent contre eux  le courroux, voire la haine. 

A l’exception de Libreville, Port-Gentil, Gamba, et bien entendu « Lambaréné fourre tout », très peu de gabonais se portent candidats hors de leur « localité d’origine », sans susciter des critiques plus ou moins ouvertes. 

De plus, dans un pays où une partie du peuple refuse droits et prérogatives à l’autre  (le « Tout-sauf-Fang » est assez édifiant et éloquent à cet égard), tout le peuple n’acceptera jamais tout le temps, d’être commandé par une partie des gabonais étrangers.  

C’est dans ce contexte caractérisé par une psychose sociale que les gabonais issus de l’immigration, supposés remplir toutes les conditions pour être éligibles et électeurs aux différents scrutins du pays, sont inscrits dans les listes pour les locales. 

Décidément, on n’arrête pas le progrès…. 

La formation d’une population nationale multiraciale, multiethnique, multiculturelle se fait progressivement au fil du temps ; par le travail et le partage des valeurs du vivre ensemble et en harmonie. 

Ce n’est ni le fait du prince, ni le décret arbitraire d’un pouvoir qui peut unir les personnes qui n’ont rien en commun. 

En Afrique, le joug nègre qui a succédé au joug colonial a hérité et perfectionné les vicieuses et violentes méthodes de commandement de ce dernier, tout en les rendant plus grossières. Les peuples noirs d’Afrique ont souvent été dirigés par des Chefs fantoches, impopulaires, immoraux et insoucieux des difficultés de vie des masses. 

Les gabonais ont raison de refuser chez eux ce que les autres peuples refusent chez eux. 

Depuis que les habitants d’ailleurs ont compris que le gabonais est pacifique et hospitalier, le Gabon est devenu le lieu d’expérimentation et de sublimation de toutes les vilenies, de tous les abus, de toutes les vanités. 

Et, les arrivants qui sont cooptés pour participer à la gestion de leur destin ne sont pas de mentalité irréprochable et de compétence avérée. 

Souventes fois, l’on a constaté que ce sont ces « derniers de la classe » qui parviennent à se hisser au faîte de l’Etat, que ce sont les gabonais à l’état civil entaché d’irrégularités qui sont mieux traités que les gabonais qualifiés « de pure souche ». 

Si le Gabon doit devenir un Etat-uni formé des personnes en provenance des autres parties du monde, ce processus doit se faire sur la base des conditions, des procédures, des principes et des lois rigoureusement codifiés. 

La mondialisation et la libre circulation des personnes ne signifient nullement qu’il faut ouvrir les frontières au point de laisser entrer l’infamie et la perversion de la morale. Notre appareil d’Etat est encore si faiblement structuré, qu’il ne faut pas se précipiter pour instituer la libre circulation des personnes entre l’étranger et le Gabon, et,  faire en sorte que les étrangers se retrouvent insolemment au sommet des Institutions de la République. 

Puisque les Etats noirs semblent avoir opté pour l’autocratie et renoncé à la démocratie, pourquoi donc s’étonner que la bonne gouvernance, le vote citoyen, le suffrage universel et partant la souveraineté du peuple soient blasphémés et relégués au rang des inutilités. 

A tous, la sagesse impose la modération, le respect des valeurs collectives et l’écoute permanente des peuples dont les conditions d’existence sont très médiocres et très éloignées de celles, bien meilleures, de nos contemporains de ce début du siècle.      

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