5 mars 2012

L’ETAT ET LA PROMOTION DES PME GABONAISES


 

Par Guy NANG-BEKALE, Expert en PME, Conseiller d’Entreprises, ancien Chargé d’Etudes, Ancien Directeur de l’Agence Nationale de Promotion des PME (PROMOGABON) dans l’Ogooué Maritime.
 
Le Gabon a été parmi les premiers, sinon le premier pays, de la zone dite Afrique Equatoriale ou Afrique Centrale, à créer, quatre ans après son indépendance, un cadre légal pour le lancement d’une politique de développement des Petites et Moyennes Entreprises (PME) et Petites et Moyennes Industries (PMI) concomitamment à la création d’une Agence Nationale (PROMOGABON) chargée de promouvoir ces PME-PMI. 1964-2011 ; c’est 47 ans de mise en œuvre d’une action économique et politique dont les résultats se situent très en deçà des objectifs fixés par les Gouvernements successifs du pays.

Le régime actuellement en place qui prône l’émergence du Gabon gagnerait à redynamiser cette politique dont la réussite sera traductrice de celle de la politique d’Ali Bongo Ondimba. La structure et la configuration des PME gabonaises, l’inorganisation, l’instabilité et l’inéfficacité des Institutions étatiques officielles chargées de leur encadrement et de leur Assistance racontent clairement l’échec de la politique gabonaise de promotion des PME locales.



Au Gabon, les PME les plus organisées, les plus structurées, les plus rentables, les plus nombreuses et les plus bénéficiaires des marchés, en  particulier des marchés publics, sont celles qui sont dirigées et qui sont la propriété des étrangers ; en particulier des entrepreneurs africains. Ces PME retirent de l’économie, une masse d’argent dont la majeure partie est transférée dans leur pays d’origine ; réduisant ainsi le potentiel monétaire susceptible d’être domicilié au Gabon en vue de renforcer l’épargne privée locale pouvant servir au financement des activités économiques par l’octroi des crédits aux investisseurs.

Dans cette configuration, faute d’agents économiques internes robustes, tout Gouvernement gabonais, aussi habile et talentueux qu’il soit, ne peut prétendre mettre en place une politique de développement économique durable. A la base de la politique officielle de ce secteur, se trouvait une Loi de promotion et de développement des PME prise en 1981 dite Loi 1/81. Cette Loi a été pendant quelques années la grande référence en matière de politique étatique d’encouragement des gabonais à créer des entreprises. Les principaux objectifs de la politique officielle de l’Etat en matière de promotion des PME étaient, entre autres, de créer une classe d’hommes d’affaires gabonais, d’augmenter la part des PME dans le PIB, de fabriquer des produits de substitution à ceux qui étaient importés, de freiner l’exode rural en créant dans le zones rurales les activités créatrices de revenus.

En même temps que ces objectifs, la Loi fixait les moyens et les modalités d’encouragement des gabonais ; d’abord en définissant ce qu’était la PME gabonaise. L’on notait que toutes les PME de droit gabonais n’étaient pas des PME gabonaises. La Loi retenait que ces dernières sont celles dont la majorité du capital (51% au moins) est détenue par des nationaux qui devaient en être également les dirigeants. Cette PME gabonaise pouvait alors bénéficier  de  la priorité d’accès aux marchés publics et des avantages fiscaux et douanières après l’obtention d’un agrément octroyé par une Commission dirigée par le Ministre des PME.

Ce cadre légal a permis pendant quelques années de favoriser et d’encourager les nationaux qui avaient un projet de création, de développement, de diversification ou autre opération nécessitant un investissement. D e 1983 à 1988, beaucoup de gabonais ont créé des entreprises dont la durée de vie a été plus ou moins appréciable. C’est ici que l’on aurait pu mesurer le degré de volonté politique pour une véritable promotion des nationaux. Il se trouve que c’est l’application des dispositions, relatives aux avantages ; en particulier, l’accès aux marchés publics, qui a toujours  été, et qui est encore  l’élément le plus controversé.

C’est cette disposition qui a souvent opposé les gouvernants aux dirigeants des PME gabonaises. Les officiels reprochent aux PME, souvent à juste titre, leur manque de rigueur et de sérieux dans la gestion des leurs affaires : insuffisance de matériels et d’équipements, peu de personnels qualifiés, faible surface financière, chantiers inachevés, fonds et crédits détournés de l’objet à financer etc. Du côté des PME, les reproches concernent le manque de soutien de l’Etat qui ne respecte et n’appliquent pas ses engagements légaux, la collusion d’intérêts entre les gouvernants et les affairistes étrangers. En réalité, les manquements et les responsabilités sont partagés. L’Etat n’a jamais confectionné un programme pluriannuel spécifique pour mettre les PME à l’épreuve.

La mise en place d’un tel programme serait bénéfique au pays et devrait s’insérer dans un cadre logique permettant, à terme, d’évaluer la part d’implication et de participation de chaque camp.  Toutefois, l’on trouve dans certains secteurs d’activités, en particulier dans le BTP, quelques entrepreneurs gabonais sérieux qui réussissent à vivre, autant que faire se peut, de leurs affaires. La réussite d’une politique des PME commence par le désengagement de l’Etat dans la conduite pratique de celle-ci. L’Etat doit avoir un rôle de régulation, d’accompagnement et de facilitation. Tout organisme à créer pour le développement des PME devrait se démarquer de la tutelle politique d’une Administration. En outre, à partir de l’expérience accumulée, l’on devrait définir, après avoir posé les fondements solides de la politique de promotion des entreprises, les éléments suivants : Le « profil robot » du dirigeant d’une PME gabonaise, les sources de financement sûres des plans d’investissement et des besoins d’exploitation, les niveaux de qualification et la formation des personnels clés, les bases légales des relations professionnelles entre le personnel et la PME (contrats, assurances…), la structure des charges d’exploitation par secteur d’activités ; les sièges des PME etc.

La détermination d’une stratégie fondée sur une pré qualification, dans la transparente, des PME soumissionnaires dans les secteurs où l’Etat est appelé à octroyer des marchés aux entreprises peut encourager et contribuer à l’épanouissement des PME des nationaux dont l’encadrement pendant une période déterminée (programme) doit être envisagée, avec la réalisation à terme de la sélection des plus performantes sur la base de l’ensemble des données liées aux résultats de leurs activités pendant le programme. Les activités de beaucoup de PME gabonaises ont un caractère saisonnier, ce qui complique leur participation aux appels d’offres ; faute de ne  pouvoir remplir les conditions d’éligibilité contenues dans les dossiers décrivant les modalités de participation. Les principales informations exigées concernent généralement : le chiffre d’affaires dont un minimum est fixé sur une période, le personnel qualifié, les équipements, la caution bancaire, les documents comptables certifiés, l’immatriculation et la preuve de paiement des cotisations sociales. Ce sont là autant d’exigences que les PME remplissent rarement en totalité.  

L’expérience montre qu’il y a un véritable fossé entre les critères fixés par les donneurs d’ordre, l’Etat en particulier, et la réalité organisationnelle, économique, sociale et financière des PME. La méconnaissance de cette réalité par les partenaires, l’Administration et ses fonctionnaires chargés de la gestion des marchés publiques exclue volontairement ou involontairement les Gabonais des activités économiques de leur pays. Dans ce contexte, se pose la question de savoir que faire pour créer une classe d’hommes d’affaires gabonais destinés à former le tissu économique national support indispensable à notre développement. Les programmes d’appui aux renforcements des capacités au profit des Administrations chargées de la promotion des PME et en direction des PME pèchent par formalisme et par la méconnaissance des caractéristiques du secteur PME du pays.

Une confusion bien entretenue est faite entre les PME de droit gabonais et les PME gabonaises. Signalons que tous les diagnostics qui sont faits par les experts PME, tant européens qu’africains aboutissent à la même conclusion ; à savoir que contrairement aux PME dirigées par les expatriés, celles qui sont dirigées par les Gabonais sont mal gérées, peu structurées et très vulnérables. La conclusion qui s’impose a partir de ce constat est que les projets d’appui aux renforcements des capacités devraient en priorité bénéficier aux PME les plus faibles ; c'est-à-dire aux PME gabonaises.

Cette logique doit être insérée dans tout programme d’appui initié par les partenaires au développement en faveur des PME de tous les secteurs d’activités du Gabon. Jusqu’à maintenant, la politique gabonaise de promotion des PME n’a pas fait l’objet d’un suivi, d’un encadrement et d’un accompagnement rigoureux de la part de l’Etat. Les colloques et autres états généraux organisés par période ne devraient pas avoir pour but de se donner bonne conscience face à la marginalisation des gabonais au développement de leur pays. Il est temps qu’une véritable politique entrepreneuriale nationale se fondant sur une stratégie globale soit confectionner, non pas pour inciter, mais pour pousser les Gabonais à prendre en mains leur destinée. 

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